University of Toronto Press
Reviewed by:
  • La science de l’information : origines, théories et paradigmes by Fidelia Ibekwe-Sanjuan
  • Yvon Lemay, professeur agrégé
Fidelia Ibekwe-Sanjuan. La science de l’information : origines, théories et paradigmes. Paris : Éditions Hermès-Lavoisier, 2012. 261p. (Collection Traitement de l’information). ISBN 978-2-7462-3912-8.

Dans cet ouvrage de synthèse, Fidelia Ibekwe-Sanjuan, enseignante-chercheure à l’Université Jean Moulin de Lyon, cherche à répondre à trois principales [End Page R2] questions : 1) « Y a-t-il une science de l’information, et si oui, quels sont ses fondements théoriques ? », 2) « Qu’est-ce que l’information qui est l’objet de cette science ? » et 3) « Y a-t-il une spécificité française de la science de l’information ? » (p. 17). Pour y parvenir et ainsi tenter de « résumer plus d’un demi-siècle de débats sur les fondements théoriques de la science de l’information » (p. 20), l’auteure a structuré ses propos en deux parties, chacune d’entre elles comprenant cinq chapitres.

Dans la première partie, « Aux origines de la science de l’information », Ibekwe-Sanjuan rappelle au cours des chapitres 1 et 2 « les principaux univers de sens du concept d’information » et « les contextes d’émergence de la science de l’information et de la communication dans certains pays anglophones (États-Unis, Angleterre) et en France » (p. 89). Cela la conduit, dans le chapitre suivant, à faire état des nombreuses tentatives de définition de l’objet de la science de l’information qui inévitablement s’avèrent infructueuses car « un même constat formulé par tous les chercheurs qui se sont penchés sérieusement sur l’évolution des disciplines scientifiques s’impose : les disciplines scientifiques n’existent pas en soi, elles sont une construction artificielle relativement récente (xixe siècle) » (p. 107). Elle complète cette première partie, d’une part, par une réflexion dans le quatrième chapitre sur « l’oscillation observée entre la forme singulière “science de l’information” et plurielle “sciences de l’information” » (p. 110) et qui, dans les faits, traduit deux visions très différentes de la discipline, c’est-àdire « celle de l’interdisciplinarité (emploi du singulier) ou de la pluridisciplinarité (emploi du pluriel) ou d’une méta-science » (p. 118). D’autre part, dans le chapitre 5, Ibekwe-Sanjuan examine la dualité, la tension entre deux paradigmes de recherche (paradigme orienté-système versus paradigme orienté-usager) qui résulte du « fait que la discipline est traversée par deux traditions scientifiques – documentaire et informatique » (p. 122) ainsi que les attitudes, tantôt critiques, tantôt plus nuancées en découlant envers la technique et la technologie.

La deuxième partie de l’ouvrage « a pour objet d’examiner les paradigmes et les courants épistémologiques qui ont traversé la science de l’information (SI) au niveau mondial » (p. 146). Ainsi, chacun des cinq chapitres porte sur « les rapports entre des théories épistémologiques et les courants ou travaux en SI qu’elles ont le plus influencés » (p. 151). Le chapitre 6 retrace les « influences du rationalisme et du positivisme sur la classification et la normalisation », le chapitre 7 la présence de « l’empirisme en bibliométrie et en recherche d’information », le chapitre 8 « l’influence du cognitivisme dans les user studies », le chapitre 9 l’« influence du socio-constructivisme en science de l’information » et le chapitre 10 les « influences du pragmaticisme et des paradigmes social et linguistique ». Un vaste programme qui, dans son ensemble, permet non seulement d’obtenir un panorama des principaux courants de pensée et des théories qui ont influencé les travaux des chercheurs en science de l’information mais aussi d’en mesurer les effets, tant positifs que négatifs, selon les champs de recherche et, par conséquent, d’être à même « de poser le cadre théorique et interprétatif des connaissances produites » (p. 196). Finalement, selon l’auteure, « on ne peut pas parler de rupture épistémologique » mais plutôt d’une « situation de cohabitation de paradigmes différents » (p. 229). [End Page R3]

Dans l’épilogue, Ibekwe-Sanjuan revient sur les questions posées initialement, dont celle de la spécificité française. Une thèse qui, dit-elle, « n’est pas vérifiée sur les plans conceptuel, épistémologique et méthodologique » (p. 232). Quant aux fondements théoriques et à l’information comme objet, elle en vient à la conclusion que la science de l’information est une science ouverte et que la diversité des approches reflète « les multiples facettes de la notion d’information, qui à leur tour expliquent la multiplicité de points de vue sur l’objet de la discipline » (p. 239).

Comme on le souligne en quatrième de couverture : « Cette étude sera utile à tous les chercheurs, étudiants et professionnels désirant approfondir leurs connaissances sur les fondements théoriques de la science de l’information ». Tout particulièrement aux étudiants qui, dès le début de leur formation, souhaitent disposer d’une vue d’ensemble des « origines, théories et paradigmes » du domaine. La bibliographie et les index des termes et des noms aideront les lecteurs qui le souhaitent à tirer grandement profit des recherches menées par l’auteure. Ils y trouveront également à la toute fin une section « Notes » leur permettant de consigner leurs remarques ou commentaires.

Il est dommage toutefois que l’archivistique ne soit pas davantage prise en considération dans la couverture disciplinaire de l’ouvrage. Surtout lorsque l’on pense aux idées mises de l’avant par de nombreux archivistes qui, depuis les années 1990, influencés par les travaux de Derrida et de Foucault notamment, se réclament de la pensée postmoderne. Si « les sciences de l’information se situent au carrefour de plusieurs disciplines », comme il est précisé sur le site de notre École, alors cela signifie que chacune d’entre elles, y compris l’archivistique, est susceptible d’apporter un éclairage pertinent à l’ensemble du domaine. Assurément, nous sommes de ceux pour qui la forme plurielle est le mieux à même de rendre compte de la dimension pluridisciplinaire en sciences de l’information.

Yvon Lemay, professeur agrégé
École de bibliothéconomie et des sciences de l’information, Université de Montréal

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