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Reviewed by:
  • Un automne de Flaubert par Alexandre Postel
  • Marie-Agnès Sourieau
Postel, Alexandre. Un automne de Flaubert. Gallimard, 2020. ISBN 978-2-07-285020-2. Pp. 125.

À l'automne 1875, Flaubert a 53 ans. Il est rongé par de graves soucis financiers et déprimé à la suite de la mort coup sur coup d'amis intimes avec lesquels il entretenait une complicité intellectuelle. Il s'est dépossédé de ses biens pour sauver de la faillite le piètre mari de sa nièce Caroline. Celle-ci envisage même de vendre la propriété de Croisset. La pensée de quitter la chère maison familiale où il vit depuis longtemps l'accable davantage, et pour couronner le tout, il est en panne d'écriture. Il décide alors de séjourner à Concarneau où il retrouvera son ami le savant naturaliste Georges Pouchet qui étudie la faune aquatique dans son vivier-laboratoire. Flaubert s'installe dans une modeste pension en face du port de pêche où il espère retrouver la sérénité. Dans un récit unissant biographie et fiction et à travers une écriture que l'on peut qualifier de flaubertienne, Postel brosse un portrait de l'écrivain tour à tour émouvant [End Page 278] et jovial, angoissé et plein d'humour, grincheux mais aussi bon vivant, tel qu'on le perçoit à travers sa correspondance volumineuse et les témoignages de ses contemporains. Il est devenu un gros bonhomme rougeaud à la santé précaire qui s'empiffre de homards et crustacés, s'adonne aux bains de mer avec volupté et aux promenades côtières propices aux conversations avec Pouchet. Chaque matin il observe les dissections du naturaliste qui le remplissent à la fois de dégoût et d'émerveillement. Le soir, alors qu'il est replié dans sa petite chambre aux relents de sardine, le dégoût du monde et l'appel du néant taraudent ses insomnies. Il songe à Macbeth, "le régicide regardant sa mort à venir", aux marins en détresse cherchant l'étoile polaire (52). Il confie sa lassitude de vivre à sa grande amie George Sand qui lui conseille de fréquenter Victor Hugo, ce dont il n'a cure. Après quelques semaines il remarque finalement la chambrière chargée de vider son pot de chambre qui ressemble comme un double à Félicité, la servante d'Un cœur simple. Chaque jour il s'enfonce davantage dans une "petite vie abrutissante", incapable de faire une phrase (54). Il se sent médiocre comme l'est selon lui l'ensemble de l'humanité. Mais un jour le miracle se produit: l'envie d'écrire le reprend et il ébauche le plan d'un conte médiéval qu'il dénigre aussitôt comme "une petite bêtise moyenâgeuse" (78). Ce sera le deuxième des Trois contesLa légende de Saint Julien L'Hospitalier—dont il rédigera les premiers brouillons à Concarneau. De façon convaincante, Postel nous fait pénétrer à l'intérieur du processus de création de Flaubert, dans sa lutte acharnée avec la langue: ses hésitations; son obsession du mot juste, des sonorités et des rythmes de la phrase; ses corrections, ratures, réécritures. Nous observons sa rigueur dans la composition narrative et la conception de ses personnages, son absorption totale dans l'écriture, on pourrait dire corporelle, pour qu'apparaisse le monde dont il a la vision. En enchevêtrant réalisme et poésie, véracité et fiction, profondeur et dérision, Postel nous offre un petit chef-d'œuvre stylistique.

Marie-Agnès Sourieau
Fairfield University (CT)
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