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Reviewed by:
  • Marcel Proust et la politique: une conscience française par Gérard Desanges
  • Khadija Khalifé
Desanges, Gérard. Marcel Proust et la politique: une conscience française. Garnier, 2020. ISBN 978-2-406-08087-9. Pp. 483.

Connu pour la valeur esthétique de son œuvre, Proust a été peu abordé sous l'angle politique. On a longtemps cru qu'il était apolitique parce que, simplement, il ne brandissait pas de pancartes ni ne hurlait de slogans. À l'égal de Proust qui scrute la société aristocratique, Gérard Desanges examine toutes les manifestations politiques chez cet auteur pour dissiper cette simplification. La correspondance de Proust révèle son intérêt pour l'actualité aussi bien politique que géopolitique. Initié dès son plus jeune âge aux valeurs républicaines (grâce à sa famille du côté des Proust comme de celui des Weil), Proust est vite désillusionné par les scandales de la IIIe République (tels que le scandale des décorations et celui des "chéquards") et par les compromissions et l'amoralisme des hommes politiques, "ces canailles toujours réélues" (51), sans pour autant renier ses convictions républicaines. On lira avec intérêt les détails qu'offre l'ouvrage sur la jeunesse de Proust, le lycée Condorcet, ses relations avec ses camarades et l'influence de ses professeurs dans un environnement divers et progressiste. Les liens de Proust avec quelques hommes politiques, l'école des Sciences politiques et la fréquentation des salons intellectuels ont évidemment compté dans son parcours intellectuel. On appréciera également la riche documentation sur les références qui ont inspiré quelques éléments de la Recherche, comme la description du Paris de la guerre et le Salon de Mme de Caillavet qui a inspiré le Salon Verdurin (273). Ces salons, où se déroulaient des débats de tous genres, ont fait comprendre à Proust "le fonctionnement de la société" bouleversée, entre autres, par l'affaire Dreyfus et par la guerre (277). Les débats d'idées passionnaient Proust (89), qui a été influencé par des maîtres à penser tels que Jules Lemaître, Ernest Renan et Anatole France, qu'il a rejetés par la suite. Ses interventions dans le domaine politique servent toujours un but plus élevé. Par exemple, son engagement politique pour innocenter Dreyfus vise plutôt à défendre la justice et la vérité (285). Proust, dégoûté par les journaux français qui "se rabatt[ent] sur Wagner pour exprimer leur haine des Allemands" (366), ne manque pas de défendre les œuvres artistiques allemandes. La fameuse polémique du prix Goncourt 1919 confirme "la malfaisance des idéologies, du fanatisme, de l'intolérance et de l'immixtion néfaste de la politique dans la littérature" (404). D'après Proust, la politique, les idéologies et même les sociétés ne sont pas immunes contre le temps. Dans ce que Proust nomme le "bal de têtes" vers la fin du Temps retrouvé, la transfiguration des personnages par le temps témoigne du "triomphe de l'art sur la politique et les idées" (391). Enfin, pour revenir au sous-titre de l'ouvrage de Desanges: de par son esprit libre et indépendant, de par son "éthique" et son "impératif d'ordre et de justice," Proust s'affirme comme porteur d'une "conscience française" (454). Et humaine, se hâte-t-on d'ajouter. [End Page 233]

Khadija Khalifé
Independent Scholar (CA)
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