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Reviewed by:
  • La panthère des neiges par Sylvain Tesson
  • Marie-Agnés Sourieau
Tesson, Sylvain. La panthère des neiges. Gallimard, 2019. ISBN 978-2-07-282232-2. Pp. 176.

En 2018, le photographe animalier Vincent Munier invite Tesson à tenter d'apercevoir la panthère des neiges. En effet, rien n'est sûr car ce félin menacé de disparition se camoufle dans les hautes montagnes d'Asie Centrale. L'écrivain féru d'aventures accepte, car tout voyage, quel qu'il soit, inspire son écriture. Avec deux autres compagnons, une vidéaste et un technicien-philosophe, ils partent pour le plateau de Changtang au Tibet où ils vivront pendant un mois dans des conditions extrêmes, campant dans des refuges sommaires à très haute altitude et par des températures glaciales. Dans ces paysages austères et grandioses, Tesson apprend l'art de l'affût et de la patience suprême. Il s'agit d'accepter l'incertitude et la possibilité de l'échec, une attitude "très noble—par là même antimoderne" (15). L'écrivain-voyageur découvre que scruter les montagnes en silence pendant des heures et se dissoudre dans le paysage fécondent la réflexion et stimulent la créativité. Ainsi, des poèmes composés dans une abnégation absolue de lui-même agrémenteront le livre de photographies que Munier publiera à son retour. La maîtrise du corps immobile et de l'observation soutenue est récompensée lorsque loups, yaks, kiangs, renards, pikas, antilopes, chèvres bleues, rapaces et bien d'autres bêtes se déploient dans leur majesté à la recherche de nourriture. Tesson apprend à être attentif à leur comportement ordonné. Il s'exerce à "voir l'invisible: principe du Tao chinois et voeu d'artiste" (47). La panthère tant espérée continue à se dissimuler, mais la contemplation prolongée et l'espérance de l'apercevoir se transforment en un exercice spirituel. Le contemplatif se sent en harmonie avec l'hermétisme du Tao. Des associations se créent entre la beauté et le mystère de la bête insaisissable et la femme aimée et perdue, entre la puissance et la grâce de cet esprit des montagnes et la mère disparue quelques mois auparavant. Le monde prend la forme de l'être regretté. Cette expérience mystique révèle les bienfaits de la lenteur devenue une nécessité de vie à notre époque d'agitation frénétique et de vacarme incessant. Les préoccupations écologiques de l'écrivain s'associent aux plaidoyers actuels de la lutte contre la destruction fulgurante de la planète. Au sein de ces immenses espaces inexplorés, il s'interroge sur le rapport à la nature de notre humanité aveugle à sa poésie, insensible à sa beauté inhérente, indifférente aux conséquences de sa propre négligence. Nos cerveaux névrosés se diffractent sous le poids des informations incessantes nous privant de l'essentiel. Mais le miracle se produit, la panthère se laisse voir telle une apparition quasiment sacrée, privilège de ceux qui ont gardé la foi. La bête est là dans son altérité absolue, son évanescence en sursis, ramenant chacun au plus profond de soi, à sa part animale. Ce livre composite rempli d'aphorismes, de réflexions, d'humour et d'admirables descriptions, telles celles des enfants nomades, de la mécanique de la panthère ou encore des vallons sertis de glace ouvre aux lecteurs un monde inexploré, dépaysant, empreint de mysticisme. Taoïsme, confucianisme, bouddhisme, panthéon hindou, voire grec, sous-tendent la [End Page 278] narration et nourrissent nos réflexions philosophiques inséparables de cette aventure singulière.

Marie-Agnés Sourieau
Fairfield University (CT)
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