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Reviewed by:
  • Les arrogants by Gabriel Boustany
  • Jean-François Duclos
Boustany, Gabriel. Les arrogants. Lattès, 2019. ISBN 978-2-7096-6387-8. Pp. 406.

Le père, chef de clan et nationaliste arabe, est ardent et tendre. L'oncle, sous couvert de pudeur religieuse, éclate dans de brusques accès de colère perverse. Le frère, fluide et insouciant, s'engouffre quant à lui dans les plaisirs frivoles. La mère, elle, brille par sa discrétion. Dans cette famille libanaise aristocratique, patriarcale et de moins en moins argentée, Tasmine grandit dans les années 1930, d'abord au pays avant de trouver refuge à Genève avec son frère et ses parents puis, la paix revenue en Europe, à Paris. Sûre d'elle et de son intelligence instinctive, sûre aussi qu'en tenant tête aux adultes, et en particulier aux hommes, elle se forge un destin qu'appellent son nom et son rang, la jeune fille devenue femme tient à distance la voie du mariage et la possibilité d'une carrière professionnelle enviable. Tasmine louvoie entre les obligations et les attentes. Elle rejette les sollicitations trop pressantes, convaincue de mériter mieux et de n'avoir pas encore assez vécu. En même temps, elle fascine et éblouit ceux et celles qui croisent son chemin, et pour le lecteur d'aujourd'hui, elle représente la figure enviable d'une femme de son temps, insoumise et rebelle. Dès lors, pourquoi la [End Page 249] nommer, comme les autres membres de sa famille, par le terme peu flatteur d'arrogant? Peut-être faut-il voir dans le titre de Boustany un écho lointain aux Tristes d'Ovide. Si la rupture individuelle d'une vie se confond chez le poète latin avec la chute d'un royaume, le long déclin d'un clan familial "féodal" (322), incapable de remettre en cause son statut, équivaut à un aveuglement qui est l'apanage des orgueilleux. Ce sont des "êtres perdus" attachés à leurs privilèges (332) dans un monde qui, des deux côtés de la Méditerranée, est en train de changer sans eux. Au premier abord, Les arrogants frappe par la relative banalité de sa structure narrative. Les passages pédagogiques destinés aux lecteurs peu familiers avec l'histoire du Proche-Orient alourdissent le récit. Tout s'y passe en grande part comme dans une saga familiale mille fois racontée sur papier ou pour le petit écran, et comme en creux de récits plus convaincants (on pense à L'empereur à pied de Charif Majdalani). Mais une deuxième lecture, plus attentive, permet de tempérer un tel jugement. Ce roman impressionne en effet par la force de certains passages. La traversée en direction de l'Europe sur le Champollion et le retour catastrophique, vingt ans plus tard, sur le même navire, évoque tout à la fois un épisode de Bourlinguer de Cendrars et l'épisode réel d'un naufrage. Certaines scènes, comme la rencontre de Tasmine avec un mime dans un jardin de Paris, constituent de pures perles stylistiques. Les dialogues sont ciselés et la manière dont ceux-ci font avancer le récit force l'admiration. Voilà qui, tout compte fait, sert de leçon au lecteur un peu trop sûr, lui aussi, du mérite qu'il peut attribuer en matière de romans.

Jean-François Duclos
Metropolitan State University of Denver (CO)
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