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Reviewed by:
  • L'ère des enfants tristes by Claude-Emmanuelle Yance
  • Lydia Belatèche
Yance, Claude-Emmanuelle. L'ère des enfants tristes. Lévesque, 2019. ISBN 978-2-89763-080-5. Pp. 120.

Il y a parfois des lectures qui nous font très mal tout en nous incitant à agir pour soulager la peine de ceux qui vivent dans des circonstances douloureuses. La collection de nouvelles intitulée L'ère des enfants tristes offre quinze lieux où les membres de la société les plus vulnérables—les enfants—cherchent à survivre. Yance décrit souvent ces lieux universels avec les adverbes "ici" et "là-bas." Helena, doctoresse et narratrice de "Crier tout bas", met en contraste la valeur du lait pour un bébé mourant en Afrique et pour un enfant occidental qui s'offre le luxe d'ignorer le lait renversé: "Le verre, le lait qui coule. J'en ai mal aux tripes. Il sauverait de la mort ici, là-bas on en faisait tout au plus une impatience maternelle" (32). Karim et Khan, deux frères réfugiés parce qu'"Ici, il n'y a pas d'avenir", selon leur père, sont chassés de la jungle de Calais en 2016 ("Ni sains ni saufs", 41). Dans "Les petits esclaves", on trouve qu'"Ici, c'est le bout du monde" (64) pour des enfants de "huit ans, douze ans" venus habiter en ville (64), tandis que "La famille est restée là-bas, au village" (63). C'est "Le père qui les a vendus" (64), et ils sont privés de tout, même de leurs sexes: "Ils sont assis sur un mur. […] Filles ou garçons, difficile à dire" (63). Sur la couverture du livre se voit, à l'ombre face à l'aube, une image de cet enfant asexué à la chevelure androgyne. Dans "I'm Cathy", une adolescente transgenre rejetée par son père, un endocrinologue, trouve son salut en [End Page 270] participant à une compétition Miss Jeunesse durant laquelle le jury admire "ses préoccupations sociales: le sort des enfants ici, dans sa ville" (97). Tout comme les lieux évoqués, les époques ou "ères" sont universelles aussi. La guerre décrite à travers la voix d'un enfant rappelle le troisième chapitre de Candide par Voltaire: "Ça sentait les gémissements, les jambes arrachées, les ventres ouverts. Et moi je courais entre les corps déchiquetés, ivre de peur" ("La guerre n'a pas un visage d'enfant", 16). Les filles qui sont emprisonnées s'échappent à travers "L'amour des livres", et s'identifient aux filles de leurs lectures même si celles-ci appartiennent à une ère différente. La servante écarlate par Margaret Atwood et Le journal d'Anne Frank mènent ces "enfants tristes" à lutter pour "une vie possible ailleurs" (90). Une description des enfants-robots dans "L'enfant de Spielberg" fait penser aux nouvelles de la science-fiction chez Ray Bradbury et Isaac Asimov. Cette fois-ci, l'adverbe "ailleurs" est une promesse dissimulée par l'ellipse: "Ici ou ailleurs, il finira bien par trouver…" (110). Yance démontre surtout que le sauvetage des enfants perdus reste problématique. Dans "Chemin de fer", Atohi, dit Antony au pensionnat, peut tout simplement rêver de s'évader vers un autre pays qui n'existe pas: "Pour m'en aller dans l'indéfinissable. Au bout de quelque chose" (77). On n'a plus alors qu'à espérer que la grisaille d'ici se dissipe pour faire surgir un ailleurs merveilleux.

Lydia Belatèche
University of Minnesota
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