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Reviewed by:
  • Ouvrir la voix by Amandine Gay
  • Johanna Montlouis-Gabriel
Ouvrir la voix (2017). Amandine Gay, dir. 122 minutes.

Dans son premier film indépendant, Amandine Gay donne la voix à vingt-quatre femmes noires françaises et belges, afro-descendantes ou afropéennes, pour parler de leurs expériences en tant que minorités visibles dans un espace majoritairement blanc. Le film aborde une grande variété de thèmes liés aux stéréotypes de la femme exotique, aux multiples oppressions dont elles souffrent, à la religion, à la famille, à la maternité, au racisme d'état entre autres. Ce film est à la fois documentaire, artistique, et militant ayant été réalisé grâce à une campagne de financement participatif impressionnante qui a fait suite à deux années de montage.

Ouvrir la voix commence avec le thème « J'ai découvert que j'étais noire quand. . . » en invitant ces femmes à partager leurs témoignages. L'accumulation des voix qui se fait par coupes franches permet aux propos d'être consensuels, mais parfois contradictoires, ce qui donne toute une profondeur et une complexité quant à la multiplicité des femmes noires. Le film se déroule comme dans un livre dont les chapitres sont clairement annoncés en début de section comme « Il va falloir lutter », « Vivons heureux vivons cachés » et « Je viens d'ailleurs ». Pour passer d'un thème à l'autre, Gay utilise des intermèdes bien choisis qui donnent à voir certaines de ces femmes dans l'arène artistique où elles reprennent le contrôle de la représentation de leurs corps.

Une écriture en amont et une réflexion consciencieuse guident le film. La structure du documentaire donne clairement à réfléchir sur les théories féministes comme l'intersectionnalité, les études queer, ainsi que sur les théories postcoloniales concernant l'identité des afro-descendants. Cette écriture en amont permet de la part de ces femmes une réflexion plus approfondie et permet également l'identification d'une convergence des luttes afro-descendantes à travers le monde.

Ce film a souvent été classé dans les rubriques de presses dans les « faits de société ». Bien qu'il traite de l'expérience minoritaire dans la société francophone, Gay use de sa créativité pour filmer ces femmes sous un autre angle. L'éclairage, le cadrage et la lumière sur les peaux noires de ces femmes les mettent en valeur. Gay marie la myriade de couleurs, de tons de voix à la vérité des propos tenus. La caméra fixée sur leurs visages, les spectateurs rentrent dans la tête de ces femmes et dans leurs fors intérieurs pendant deux heures, entre aberration et sourires face à la violence des propos racistes tenus envers elles.

Le premier film d'Amandine Gay remédie à l'effacement des expériences des femmes noires dans l'espace public européen. En leur donnant la voix, Gay lève le voile sur ces individualités rendues invisibles au quotidien, et invite le spectateur à écouter ces confessions intimistes. Avec plus de onze mille entrées en seulement trois mois d'exploitation en salle, Ouvrir la voix est un film qui dépasse déjà les frontières afropéennes, pour inviter le monde entier à écouter ces femmes.

Johanna Montlouis-Gabriel
University of Georgia
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