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  • La "Chose indienne": Cinéma et politiques de la représentation autochtone au Québec et au Canada by Bruno Cornellier
  • Jonathan Cimon-Lambert
Cornellier, Bruno. La "Chose indienne": Cinéma et politiques de la représentation autochtone au Québec et au Canada. Montréal Éditions Nota bene, 2016. ISBN 9782895185116. 311 p.

L'ouvrage de Bruno Cornellier dissèque cette "chose indienne" qui permet à l'État colonial de peuplement (Canada ou Québec) de "différer sans jamais régler son 'problème indien'" (16). Parce que la nation issue du peuplement colonial doit simultanément signaler son repentir et maintenir sa souveraineté, la "chose indienne" [End Page 175] n'a pas d'existence tangible. C'est l'équivalent d'un faux-fuyant ayant embrassé la logique stéréotypée que l'État colonial fait coïncider avec son dessein historicopolitique. La reconnaissance de l'altérité — la pierre angulaire de notre démocratie libérale multi-, pluri-et inter-culturelle — servirait moins à reconnaître le "problème indien" qu'à exhiber une honte attribuable à nos ancêtres en s'engouant d'indianité passéiste. Dès lors que l'État pointe du doigt cette "chose indienne" qu'il a créée, il s'autodésigne comme (re)-connaisseur de l'Indien authentique. Ce faisant, il diffère interminablement la résolution du vrai problème en se réfugiant dans l'Histoire, feignant de panser les blessures infligées par ses ancêtres. Ainsi cristallise-t-il l'imaginaire social en réduisant l'indianité au guerrier, au noble sauvage, l'essentialisant sous forme de représentation monolithique qui, au fond, ne représente rien.

Selon Cornellier, la "chose indienne" doit être analysée dans son rapport de pouvoir; il ne faut surtout pas se laisser prendre au piège de la "distorsion représentationnelle" (17) qui se complaît dans des combats artificiels. Dans une épistémologie mi-foucaldienne mi-girardienne, Cornellier prône "la décolonisation [qui] appartiendra plutôt à la logique d'une lutte multipartite dont l'enjeu sera de s'emparer du pouvoir exclusif de désigner 'ce' que cette présence pourra (ou non) signifier et autoriser dans le voisinage du souverain" (17).

Mis à part l'introduction et l'épilogue, l'ouvrage est divisé en quatre chapitres. Le premier chapitre creuse, dans une perspective épistémologique, le concept éponyme, positionne le lecteur au cœur du rapport de pouvoir et nuance la prétendue bienveillance de l'État colonial. Cornellier découvre la ruse que sous-tend la "chose indienne" qui non seulement n'existe pas (et ne bénéficie que de l'image publique de l'État), mais au fond annihile la présence médiatisée de l'Autochtone. L'Autoch-tone se voit d'emblée détourné par cette représentation factice, ce succédané d'indianité asseyant toujours au vingt et unième siècle les extensions subtiles du pouvoir colonial.

Le bricolage de citations, de références et d'analyses se retrouve aux chapitres trois et quatre. Le premier chapitre pose le problème, le dernier chapitre (quatre) propose aussi une solution. Voici comment Cornellier présente l'enjeu:

[…] puisque la nation eurocanadienne ne peut ultimement survivre à une indianité ou à une identité indienne qui exclurait la canadienneté et se dirait (ou se représenterait) hors d'elle et en opposition à elle, toute représentation ou tout énoncé cherchant à barricader la "chose indienne" hors de l'emprise légitime du souverain menacera peut-être plus que toute autre entreprise critique la cohérence et le processus de naturalisation du projet national de l'État de peuplement colonial.

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Déjà, on s'aperçoit que la solution de Cornellier sera à contre-courant des valeurs claironnées habituellement par nos démocraties libérales. Celui qui est perdant dans ce rapport de pouvoir n'a qu'un seul choix: il doit s'approprier "la puissance [End Page 176] de désignation de 'ce'" (21), dans cette "chose indienne." À l'heure actuelle, elle "permet au locuteur ou au faiseur d'images de maintenir un certain contrôle sur ce que l'on définit et...

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