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Nineteenth Century French Studies 32.3 & 4 (2004) 386-388



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Przybos, Julia. Zoom sur les décadents. Paris: José Corti, 2002, coll. "Les Essais." Pp. 297. ISBN 2-7143-0780-9

Les métaphores optiques ont souvent été employées par la critique littéraire pour caractériser le regard que le critique porte sur l'œuvre qu'il commente. On sait que la technique du zoom, dont il est ici question, consiste, pour le cinéaste, à réduire peu à peu le champ de l'image en augmentant le grossissement de l'objectif, sans déplacer l'appareil, et à donner ainsi l'impression de s'approcher du personnage ou de la scène qui occupe le centre du sujet. Transposée en termes de critique littéraire, cette manœuvre correspond à un besoin que nous avons tous éprouvé, pour peu que nous ayons eu à pratiquer cette activité aussi banale qu'exigeante. Le lecteur risque de passer à côté de beaucoup d'aspects de l'œuvre à commenter si elle n'est pas replacée dans le milieu où elle prend sa signification ; mais il importe que le panorama d'ensemble ne noie pas les détails de l'œuvre et cède assez vite la place au gros plan au niveau duquel [End Page 386] se situe l'essentiel de notre travail. Une solution fréquemment adoptée, surtout lorsque le panorama d'ensemble œuvre un domaine aussi vaste que la décadence, est de renvoyer, pour une meilleure connaissance de celui-ci, aux ouvrages spécialisés. Mais outre que le lecteur n'a pas toujours ceux-ci en mémoire, ou sous la main, les rapports qu'on voudrait mettre en relief entre l'œuvre et son ambiance risquent de se diluer. L'idéal est évidemment de permettre de passer en douceur, et en quelque sorte d'un seul regard, du général au particulier.

C'est ce qu'a voulu faire Julia Przybos, et je voudrais signaler d'emblée les atouts dont elle dispose pour réussir cette manœuvre délicate. C'est d'abord une insatiable capacité de lecture, et de lecture de raretés, qui lui a permis déjà de dénicher et de publier le petit chef d'œuvre de Boucher de Perthes, Emma (José Corti, 2000), ainsi que le très curieux Un sceptique s'il vous plaît d'Albert Lhermite (même éditeur, 1996). Or le contexte intellectuel et éditorial dans lequel les décadents ont produit leurs œuvres est une sorte de forêt vierge qu'aucune échelle de valeurs ne permet et ne permettra sans doute d'ordonner, et dans lequel les plus stupides rengaines des chansonniers ont leur place, ainsi que (on n'ose pas dire: au même titre que) les élaborations les plus subtiles des abstracteurs de quintessences.

Il faut y ajouter le plaisir évident qu'elle éprouve à promener son lecteur dans ce paysage baroque où il est sans doute encore possible de pêcher quelques perles. Même si tout n'y est pas de la première qualité, nous n'avons pas honte à partager ce plaisir pendant les 183 premières pages du livre.

Mais ici se présente une objection qui met en cause la pertinence d'un titre qui promettait beaucoup. Au haut de la page 184 nous lisons: "Et maintenant, après le panorama, zoom sur les décadents." Ce que nous avons lu jusque là était donc le "panorama." Panorama, je le répète, fort agréable à parcourir, mais qui se présente plutôt comme une vue d'ensemble de la France "fin de siècle," ou plus précisément comme l'image qu'en donnent une presse et une littérature prodigues en banalités, où le mouvement décadent ne se détache pas d'une manière particulière, même s'il a pu être favorisé par certains de ses aspects. Il me semble que si l'on essayait de trier, parmi ceux-ci, ceux qui ont eu le plus d'influence...

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