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Reviewed by:
  • Remy de Gourmont créateur de formes. Dépassement du genre littéraire et modernisme à l’aube du XXe siècle by Alexia Kalantzis
  • Éric Trudel
Kalantzis, Alexia. Remy de Gourmont créateur de formes. Dépassement du genre littéraire et modernisme à l’aube du XXe siècle. Paris: Éditions Honoré Champion, coll. “Romantisme et modernités,” 2012. Pp. 782. isbn: 978-2-7453-2120-6

L’ambition admirable mais quelque peu démesurée de cet ouvrage (comme en témoignent ses presque huit cents pages, incluant bibliographie, annexes et index) est de “rétablir la place” (13) revenant de droit dans l’histoire littéraire à Remy de Gourmont (1858–1915) et de corriger, du même geste, l’oubli et le silence relatifs de la critique face à l’œuvre d’imagination de cet écrivain trop souvent associé à un “symbolisme mal défini et réducteur” (647) en rendant à celle-ci sa véritable importance. Cela dans un contexte précis: celui d’une systématique remise en question des genres littéraires en France entre 1890 et 1914, c’est-à-dire dans une “période de transition” (14). L’auteure retrace dans un premier temps l’histoire d’une crise du genre “propre à la fin du XIXe siècle” (33) et à laquelle la révolution symboliste ne fut pas étrangère, alors que l’on assiste à l’élaboration progressive de “la littérature d’idées” (51) et que s’effacent “les frontières” (82) entre roman, poésie, drame, essai, etc. Loin de déplorer la “dispersion générique” (11) caractéristique de la pratique esthétique de Gourmont, Alexia Kalantzis adopte plutôt la perspective ouverte par Laurent Jenny dans La Fin de l’intériorité (2002) pour rappeler que la notion de genre littéraire suppose forcément “une idée de la littérature et des pratiques formelles” (17) et prend le parti d’interroger la production de ce brillant touche-à-tout dans ses multiples manifestations, afin de voir dans son “refus des règles” (97) et dans une stratégie transgressive revendiquée, faite à la fois de mélange et de “dépassement du genre littéraire”—le titre donné à l’enquête l’indique clairement d’entrée de jeu—un singulier moteur de l’invention pour celui qui considérait le conformisme en art comme un “crime capital” (31). Car l’évolution sensible de la pensée de Gourmont, au fil des années, s’explique non “par un renoncement au symbolisme, mais bien par une définition plus pure de ses principes” (245); ainsi la “diversité momentanée des formes” (pour emprunter ces mots à Gourmont, 263) ne se révèle être, en fin de compte, pour lui qu’une série de variations sur un même thème: “l’unité profonde de la littérature” (282). Kalantzis insiste d’ailleurs avec raison sur la continuité tangible entre “la figure d’un Gourmont décadent” (14) et celui qui plus tard soutint l’avantgarde et fût l’ami de Cendrars et d’Apollinaire.

Cette manière de “remise en cause radicale” (26) et “d’anarchie littéraire” (73) adoptée par l’écrivain, si elle reste “ludique” (113) dans sa pratique, se fonde donc sur une “théorisation de la littérature” (190) unifiée, et annonce, à bien des égards, le modernisme qui peu après allait transformer profondément jusqu’à l’idée même du fait littéraire. Or la conception gourmontienne de la littérature, livrée le plus souvent par fragments au hasard des œuvres et des textes de circonstances (on [End Page 307] sait l’importance que Gourmont accordait aux “petites revues,” 334) demandait, pour que soit exposé son “principe essentiel” (247), un minutieux “travail de reconstitution” (647) auquel s’est consacrée l’auteure avec une patience infinie dans cette thèse soutenue en 2008.

La démonstration, foisonnante, est organisée selon quatre grandes “étapes” (18): 1) le dépassement dans le contexte d’un sentiment de “crise” en littérature; 2) le dépassement et l’absolu littéraire (hérité du romantisme...

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