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Reviewed by:
  • The Colonial Unconscious: Race and Culture in Interwar France
  • Martine Antle
Elisabeth Ezra. The Colonial Unconscious: Race and Culture in Interwar France. Ithaca NY: Cornell University Press, 2000. 173 pp.

Dans ce travail interdisciplinaire extrêmement bien documenté, Elisabeth Ezra nous propose une lecture approfondie et souvent dense du colonialisme français au travers de ses images et de ses pratiques culturelles pendant l'entre-deux-guerres. Véritable mise à l'épreuve des discours ethnographiques et psychanalytiques, ce livre prend simultanément comme objet de recherche le cinéma et la littérature tout autant que les textes officiels qui ont divulgué l'idéologie coloniale. Au travers de cette multiplicité de textes, l'auteur dévoile la mise en place et les mécanismes de ce qu'elle nomme "l'inconscient de la colonie" et démontre comment cet inconscient s'inscrit et se manifeste depuis l'ère coloniale à aujourd'hui. [End Page 132]

Le premier chapitre de cet ouvrage se centre sur les représentations du colonialisme dans les médias et dans les nombreuses expositions qui ont marqué l'époque, y compris celle peu connue de Miss France d'Outre-mer en 1937. Une lecture fine et originale de textes tels que les déclarations et les discours ayant eu lieu autour de ces expositions met en lumière la rhétorique raciale ainsi que les discours de la masculinité en vogue à l'époque. Ces problématiques sont reprises au cours du deuxième chapitre dans lequel Ezra analyse l'oeuvre de Roussel et met en lumière certains de ses textes négligés par la critique comme La Poussière de soleils et L'Etoile au front. Ce regard novateur sur l'oeuvre de Roussel démontre comment les discours ethnographique, historiographique et colonial de l'entre-deux guerres se croisent et fusionnent. Ces discours, souvent motivés par le désir de découverte et axés sur la quête de la notion d'origine exploitent des notions similaires du "primitif," du "moderne," du "sauvage" et du "civilisé."

Dans cette perspective, selon Ezra, la littérature en tant que palliatif ou même en tant que remède répondrait aux mécanismes d'exclusion et d'aliénation mis en place par les idéologies coloniales et proposerait une solution alternative: c'est ainsi que le recours à l'anamnèse chez Roussel libère par exemple les personnages des traumas de l'enfance.

Le chapitre suivant (3 ) prend un contemporain de Roussel, René Crevel, comme objet d'étude pour montrer cette fois que la figure du cannibale n'est rien d'autre qu'une métaphore qui cristallise les notions d'identité et de différence. La démarche ethnographique chez Crevel se calque à nouveau selon Ezra sur la démarche psychanalytique; l'analyse qu'Ezra nous propose des mécanismes de l'inceste et des inscriptions tenaces de la mémoire sur le corps dans Babylone est en ce sens révélatrice. Ezra consacre ensuite un chapitre entier (4 ) au cinéma de l'entre-deux-guerres et à l'actrice Joséphine Baker dans Zouzou et Princesse Tam Tam. Ce chapitre est probablement le plus original, le moins dense, et s'adresse à un public large d'enseignants, de chercheurs et de d'étudiants. Il constitue la première analyse critique approfondie de Joséphine Baker qui soit cadrée et contextualisée dans une perspective coloniale. Le dernier chapitre (5 ) du livre est consacré à Paul Morand. Prenant comme point de départ la préface autobiographique de Magie noire, Ezra délimite les différentes formes de racisme et les distinctions qu'elles impliquent dans l'œuvre de Morand. [End Page 133] Pour conclure, l'auteur nous ramène à l'époque contemporaine: elle nous invite à repenser la rhétorique bleu-blanc-beur qui a surgi au moment de la Coupe du Monde et à réfléchir aux résurgences de la rhétorique coloniale aujourd'hui. Travail d'actualité, ce livre pose des questions essentielles et porte des résonances profondes sur notre société d'aujourd'hui. L'approche interdisciplinaire qui y est adoptée ouvre de...

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