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Reviewed by:
  • Imaginaire social et folie littéraire. Le second Empire de Paulin Gagne
  • Roland Le Huenen (bio)
Pierre Popovic , Imaginaire social et folie littéraire. Le second Empire de Paulin Gagne, Montréal, Les Presses de l'Université de Montréal, coll. Socius, 2008, 382 p., 34, 95$

Né à Montoison dans le département de la Drôme le 9 juin 1808, mort à Paris dans la misère le 22 août 1876, Paulin Gagne fut certainement l'un des personnages les plus curieux de la vie littéraire franc¸aise sous le second Empire. Auteur de milliers de vers et de déclarations tonitruantes dont se gaussaient ses contemporains, cet hétéroclite qui, pendant le siège de Paris de 1870, avait proposé de « philantropophager » les journalistes et les vieillards et s'était offert lui-même à la pâture publique, fait partie, aux côtés de Berbiguier de Terre-Neuve du Thym, de Jean Journet, de Jean-Pierre Brisset et de quelques autres, de ces fous littéraires répertoriés [End Page 165] notamment par Octave Delepierre (Histoire littéraire des fous, 1860), Firmin Boissin (Visionnaires et illuminés, 1869), André Blavier (Les fous littéraires, 1982) et Raymond Queneau (Les enfants du limon, 1987), et dont Charles Nodier avait dressé le profil institutionnel atypique dans sa Bibliographie des fous.

Pierre Popovic qui avait déjà signalé son intérêt critique pour l'œuvre de Paulin Gagne dans des articles dont le premier fut publié dans Tangence en 1996 (« Paulin Gagne, le poète qui faisait rire de lui », no 53), vient de faire paraiˆtre aux Presses de l'Université de Montréal un ouvrage intitulé Imaginaire social et folie littéraire. Le second Empire de Paulin Gagne, dans lequel il cherche moins à ressusciter ou à révéler un littérateur qui aurait été injustement oublié par l'histoire littéraire, qu'à comprendre et faire comprendre la manière dont les textes de l'auteur de L'unitéide (1857) viennent se positionner au sein des discours qui déterminent l'imaginaire social de l'époque. Au principe de l'analyse, cette conviction que le texte aberrant ou excentrique s'exprime autant et aussi bien sur la société de référence que le texte consacré, mais le fait autrement et que c'est précisément cet « autrement » qu'il s'agit de mettre en lumière. Dans cette perspective, c'est bien l'imaginaire social qui est au centre du débat, alors que les textes, typiques ou atypiques, ne sauraient être envisagés sous l'angle d'un palmarès, mais bien comme des représentations convergentes ou concurrentes des différences et des polémiques qui travaillent l'horizon imaginaire de référence que les membres d'une société élaborent afin d'être à même d'appréhender la réalité sociale qui est la leur. « L'imaginaire social est composé d'ensembles interactifs de représentations corrélées, organisées en fictions latentes, sans cesse recomposées par des propos, des textes, des chromos et des images, des discours ou des œuvres d'art ». Dans toute société, selon Pierre Popovic, au moins quatre de ces ensembles doivent se rencontrer : un entrecroisement de discours sur l'histoire et les institutions ; le réseau des représentations des relations entre l'individu et le collectif, entre le privé et le public ; celui des représentations des corps, des sentiments et du sexe ; le rapport avec la nature en ce qu'il inclut des considérations qui relèvent de l'ordre métaphysique et du sacré. En outre, l'appréhension de l'imaginaire social demande l'intervention de processus de sémiotisation : une narrativité qui favorise l'émergence de fictions et l'apparition de héros ; une poéticité faite de figures privilégiées ; une cognitivité qui n'est rien d'autre que l'ensemble des fac¸ons de connaiˆtre et de faire connaiˆtre propres à une époque ; une iconicité pour autant que l'imaginaire social est aussi un immense déploiement d'images, de caricatures, de tableaux ; enfin une th...

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