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Reviewed by:
  • Journal dérivé III. L’espace public 1970–2000
  • Jimmy Thibeault (bio)
Bruno Roy, Journal dérivé III. L’espace public 1970–2000. Montréal, XYZ éditeur, coll. Documents, 2006, 240 p., 18$

Le projet de publier un journal où seraient rassemblés des extraits de lettres, destinées originellement à des correspondants précis (amis, collègues et écrivains) ou à un public plus large (par la voix de journaux), devait être l’occasion, pour Bruno Roy, d’entamer un travail d’introspection et de partir à la conquête du soi qui s’énonce. Les deux premiers tomes de ce Journal dérivé, respectivement parus en 2003 et 2005, retraçaient l’évolution d’une réflexion personnelle sur la littérature à travers des textes où l’auteur remettait en perspective son rapport à la lecture et à l’écriture. Dans le troisième volet de ce journal, qui n’en est pas réellement un, Roy quitte l’espace littéraire et, comme l’annonce d’entrée de jeu le sous-titre, inscrit sa parole dans l’espace public en commentant les différents enjeux sociaux de son époque. Le collage d’ensemble de ces textes se veut ainsi une rétrospective de l’évolution « d’une pensée politique et d’une éthique sociale qui tentent d’arriver à maturité, tant sur le plan de l’agir que sur celui de l’écrit qui en est son articulation ». Si Roy pouvait d’abord craindre, comme il l’affirme dans la présentation, de produire un livre qui ne soit pas personnel, on se rend rapidement compte, par l’engagement dont il fait preuve à chacune de ses interventions, qu’il n’en [End Page 602] est finalement rien : l’écriture, ici, joue un rôle particulièrement important dans la construction d’un « être » qui a la force de ses convictions.

Ainsi, chaque texte de ce troisième livre s’inscrit dans l’affirmation d’une prise de position de l’auteur sur des sujets qui l’ont touché personnellement ou professionnellement des années 1970 à 2000. S’il arrive parfois que ces prises de position ressemblent davantage à de l’entêtement ou à un refus systématique de tout ce qui déroge à sa propre interprétation du monde, il importe de souligner que, la plupart du temps, la démarche argumentative de Roy ne repose jamais sur de vides énoncés et que, souvent, il trace un portrait réaliste des enjeux du Québec moderne (il est certes possible que le travail d’édition, plus de trente ans après la rédaction de la première lettre, ait quelque chose à y voir, mais jouons le jeu de la lecture et acceptons d’emblée le contrat implicite que suppose le genre autobiographique). Aussi, il est particulièrement intéressant de lire les pages sur l’enseignement où Roy critique l’immobilisme d’un système scolaire soutenu par et pour des individus en mal de pouvoir. L’auteur déplore la vision pédagogique normative des institutions qui refusent toujours de mettre l’étudiant au centre de l’enseignement : « apparence, conformité, ambition, compétition. Au Collège Mont-Saint-Louis, trop souvent, le point de départ, ce n’est pas l’individu, c’est le modèle. » Une pensée stérile qui, selon Roy, n’est d’ailleurs pas propre au domaine de l’enseignement, mais qui semble habiter toutes les sphères de la politique québécoise, ce qui explique l’indécision des Québécois à se doter d’un pays nettement défini.

De la sphère politique, Roy, en sa qualité de président de l’Union des écrivaines et des écrivains du Québec (UNEQ), ne s’attarde essentiellement qu’aux questions culturelles : énonciation d’une politique nationale nette, définition du rôle de la culture dans le paysage politique, de la place des écrivains aux seins de la culture nationale et réflexion sur les défis culturels du Québec moderne. Mentionnons d’ailleurs, parmi ces défis, la question, toujours d’actualité, du multiculturalisme qui revient régulière-ment à partir de 1993, alors que...

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