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Reviewed by:
  • Charles Sorel polygraphe
  • Daniel Chouinard (bio)
Charles Sorel polygraphe, s. la dir. d’Éric Van der Schuren et Emmanuel Bury Québec, Les Presses de l’Université Laval, Les collections de la Républiques des Lettres, Symposium, 2006, 480 p.

L’un des premiers mérites de la magistrale contribution à la connaissance de Charles Sorel que constitue le présent ouvrage, c’est de nuancer la perspective de Pierre Lepape, qui concluait son étude de la carrière littéraire de l’auteur du Francion sur le constat suivant : « Sorel appartient au camp des vaincus [. . .] Effectuée de son vivant même, exécutée sans appel, la disparition de Sorel efface avec lui un territoire entier de notre littérature ». Avec le concours d’une pléiade de dix-septiémistes de premier plan et d’éminents spécialistes de cet écrivain au destin ingrat, Charles Sorel polygraphe vient donc heureusement contrebalancer La disparition de Charles Sorel, parue chez Grasset la même année (2006). En second lieu, grâce à ses vingt-huit collaborateurs, cet ouvrage rectifie la perception du milieu universitaire et du public, qui ont souvent tendance à réduire la production sorélienne à sa dimension romanesque, voire au seul Francion, lequel a récemment bénéficié de l’honneur de se voir inscrit au programme des épreuves du baccalauréat et de revenir, comme dans les années 1620 et 1630, à l’avant-plan du champ littéraire de ce qu’on a appelé le premier dix-septième siècle. Enfin, en dernier lieu, cette collection d’articles dépasse le cadre habituel du genre « acte de colloques » et devient en quelque sorte un tout cohérent et concerté, qui déplace l’objet de l’analyse vers la totalité de l’œuvre en tentant de redonner toute sa complexité à l’appellation de polygraphe concédée à Sorel depuis la fameuse thèse d’Émile Roy (1891), et en cherchant à dégager les caractéristiques idéologiques et littéraires fondamentales d’un production surabondante.

Ce faisant, la substantielle présentation d’Eric Van der Schueren devient un modèle du genre : non seulement résume-t-elle chacune des vingt-huit contributions en soulignant leur continuité, malgré la très grande diversité des approches et des œuvres ou thèmes abordés, mais elle propose une synthèse des lignes de force de l’évolution de Charles Sorel, recentre les apparentes contradictions d’un écrivain oscillant entre érudition et monda-nité, réexamine les tensions entre l’héritage humaniste et sa remise en cause, parmi lesquelles la critique des Métamorphoses d’Ovide occupe une place centrale et, surtout, revoit le modèle que Sorel propose de son par-cours : « Sorel polygraphe : pour l’entendre ainsi, il faudrait encore ne tenir pour rien ou pour controuvées les représentations de son itinéraire lit-téraire et philosophique que Sorel présentera dans les textes de sa maturité : soit un parcours scalaire qui mènerait à La science universelle, qui, par sa vastitude encyclopédique et son sérieux moral et philosophique, rédimerait les erreurs d’une jeunesse, trop encline à jouer des supercheries des Muses ». Dans cet esprit, les nombreuses études feront valoir le caractère complexe [End Page 562] et polymorphe de l’unité de l’œuvre immense de Sorel « aux contours mal définis », du fait que l’auteur a souvent publié sous l’anonymat et s’est joué de l’identification de ses œuvres, d’où l’addition par les bibliographes de plusieurs titres contestés; par ailleurs, toujours selon Eric Van der Schueren, « ces actes [. . .] [feront] entendre la polygraphie autrement [en montrant] la variation des formes et de leurs registres, sinon des intentions et de leurs principes ». Ainsi, au delà de la presque totalité du corpus sorélien qu’embrasse la progression des études, chacune d’entre elles, en plus de s’attacher à la spécificité du texte à examiner, élargit l’enquête pour embrasser le réseau des œuvres et les résonances rhétoriques, idéologiques et esthétiques qu’elles entretiennent. Par exemple, l’article de Daniel Riou sur la Deffense des...

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