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Reviewed by:
  • Trames. Esthétiques/politique
  • Robert Yergeau (bio)
Normand Baillargeon , Trames. Esthétiques/politique Québec, Éditions Nota bene, coll. Interventions, 276 p., 20,95$

Normand Baillargeon, porté par son idéalisme et son militantisme, sa ferveur et ses convictions, propose sa lecture critique d'oeuvres poétiques dans Trames, titre où il me plaît de voir, aiguillonné par l'épigraphe du Hugo de La légende des siècles, à la fois les âmes et les armes, l'âme des mots devenant l'arme de l'insoumission et de la révolte. « Lecture critique », disais-je; en fait, « lectures admiratives » serait plus juste, tant le professeur au Département d'éducation et de pédagogie de l'UQAM ne fait mystère de l'admiration qu'il voue à Jacques Prévert, Denis Vanier, Paul-Marie Lapointe, Gilles Hénault, Patrice Desbiens, Gilbert Langevin, Roland Giguère, Georges Brassens et André Breton. Dans ce recueil de textes, au sous-titre programmatique (« Esthétiques/politique »), Normand Baillargeon ne craint pas d'attaquer de front les questions (insolubles?) « de l'art entendu comme manifestation sociale », conscient d'un « double écueil: elui d'un improbable "art pour art" ayant la prétention, impossible à satisfaire, d'ignorer totalement le politique en général, d'une part, et celui des vicissitudes d'un engagement direct de l'art lui-même dans des causes immédiates, d'autre part, engagement par lequel il paraît presque immanquable que l'art se perde comme art». Ces apories posées, il part résolument à la rencontre d'oeuvres-vies (pour reprendre l'expression d'Alain Borer) dont l'horizon est « l'avènement d'un monde meilleur », conviction qui peut certes faire sourire, mais à laquelle on parvient (presque...) à croire, tant ces rencontres se révèlent roboratives, bien que, par moments, la très grande empathie du commentateur semble l'empêcher de voir certaines failles dans le parcours de ses compagnons de route.

Ainsi, Baillargeon ouvre la marche en consacrant une quarantaine de pages (ce qui en fait le texte le plus long, après celui, clausulaire, sur la «"poéthique" d'André Breton») à «Jacques Prévert et les médias». Fallait-il cheminer aussi longuement avec ce Prévert-là quand je lis, par exemple, que ce dernier voulait surtout « proposer des moyens de maintenir un nécessaire degré de vigilance critique devant la représentation du monde proposée par les médias » ? Rien là de très original, tant ce devoir de vigilance va de soi. Je ne trouve guère plus d'originalité dans sa dénonciation du «phénomène d'unicité dans la représentation du monde proposée par la presse écrite», ni dans son conseil «de lire beaucoup, et de s'informer à de nombreuses sources». Si l'esprit iconoclaste du poète se manifeste dans sa volonté de combattre le «prêt-à-penser» en créant une «machine» à «lessiver le langage», les moyens qu'il propose ne sont pas à l'avenant.

Cette « invitation à une résistance » aux médias est suivie, dans la deuxième partie de Trames, de la reprise de quatre entrevues parues initialement dans Le Devoir entre 1994 et 1998. Baillargeon cherchait-il à dire que les journaux peuvent aussi servir de lieu où circule plus librement la [End Page 587] parole contestataire? Pour lui, les recueils de Denis Vanier « oscillent entre la piété et la révolte absolue »; Le vierge incendié de Paul-Marie Lapointe exprime « une révolte contre un monde sclérosé » et « [t]oute son oe uvre sera ensuite traversée par ces idéaux de rébellion et de justice »; «engagement politique et engagement poétique [vont] toujours de pair» chez Gilles Hénault; enfin, le «"je" [chez Patrice Desbiens] est un "nous", et son drame personnel, un drame collectif, un miroir tendu dans lequel chacun est convié à se regarder en face». Baillargeon admire ces oeuvres de lucidité et de révolte, portées par des poèmes qui mettent le feu aux conventions littéraires et sociales. Toutefois, son admiration semble lui avoir caché au moins une contradiction, qu'il n'a pas cherché à résoudre : les...

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