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  • Le sacre de la matière. Du discours divin au langage des choses
  • Rocky Penate (bio)
Michel Germain , Le sacre de la matière. Du discours divin au langage des chosesMontréal, Triptyque, 2002, 205 p. 22$

Dans l'essai Le sacré de la matière, Michel Germain survole les développements philosophiques et scientifiques qui ont mené à la (dé)sacralisation de la conception du monde humain. Cet essai ne prétend pas analyser en détail tous les sujets qu'il aborde; il s'agit plutôt d'un récit global décrivant les moments essentiels -la création des mythes, le platonisme, l'aristotélisme, la révolution copernicienne -de l'histoire du sacré et de la matière. L'excellente organisation de l'essai montre bien que cette histoire est en évolution, selon Germain, qui se réfère à la théorie de Kuhn au sujet de l'évolution d'une science : « Quand une science se trouve dans une impasse, une nouvelle science doit prendre sa place ». Ainsi, lorsque le modèle astronomique de Ptolémée s'est révèle inadéquat pour expliquer les observations du mouvement des planètes, il a fallu le révolutionner. On a nécessairement passé au modèle héliocentrique.

L'analyse de la transition de l'idéalisme ancien au matérialisme moderne commence par les premières conceptions du monde, à savoir les conceptions « primitives » fondées sur l'observation de la nature et les déductions qui en résultent. L'auteur se sert d'un « récit [fictif] du déplacement du site de chasse d'une tribu nomade [afin] d'illustrer les raisonnements magique et sacré » d'une société primitive. Il analyse, par exemple, des structures de la pensée primitive telle que la temporalité cyclique - pour le primitif, la vie se déroule selon des cycles dont le passage est aussi inéluctable que celui des saisons. Somme toute, il incombait au « primitif », lequel ne jouissait pas de notre « savoir contemporain », d'observer les phénomènes naturels tel que le feu et le mouvement des planètes et de raisonner à partir de ses observations pour expliquer le fonctionnement de son environnement. Le primitif occidental a fini par diviser le monde en le perceptible et l'imperceptible, voire le corps et l'âme.

Dans les conceptions du monde originelles, l'âme est conçue comme « un souffle chaud qui anime et spiritualise le corps ». Dans la perspective primitive, il existe un monde terrestre, changeant et temporel, « sis au centre de l'univers. Tout autour, l'enrobant un monde céleste prévisible et incorruptible ». La « philosophie » primitive se consacrera à la découverte [End Page 610] et au maintien des rapports entre le terrestre et le divin. « La méthode, le savoir et les agents qui seront utilisés à cette fin feront partie de ce qu'on appellera le sacré. » Bien entendu, aucun essai sur le sacré de la matière ne serait complet s'il faisait l'économie des idées de Socrate et de Platon. Germain insère des extraits importants du Phédon, dialogue où Socrate explique sa conception de l'immortalité de l'âme, dans les chapitres centraux de l'essai. L'évocation de Socrate et de Platon est naturellement suivie par un résumé des apports d'Aristote : « Aristote achèvera la logique primitive sacrée en animant le terrestre à partir du céleste », et en concevant le concept des « substances ». La vision aristotélicienne se révèle « la vision antique la mieux raisonnée de l'univers sacré primitif », les visions ultérieures ne pouvant la dépasser qu'en s'y réferant. Pour arriver à l'ordre scientifique moderne, il a fallu reconnaître qu'il existe une réalité que nos sens ne peuvent saisir, « une réalité authentique » dont notre perception sensorielle ne serait qu'une représentation.

Dans le troisième et le quatrième chapitres, Germain retrace les étapes de la fondation et de la perpétuation des mythes. Les mythes mettent en discours des représentations de la prétendue venue du divin sur la terre...

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