In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

198 VII La Réappropriation L’extraversion En General En s’ étendant à toutes les ethno-sciences, la critique de l’ethnophilosophie a permis d’articuler une critique de l’extraversion intellectuelle en général. Ce n’est pas seulement la production philosophique, c’est toute la production scientifique et théorique africaine qui est davantage lue hors d’Afrique qu’en Afrique. C’est toute la littérature africaine d’écriture française, anglaise ou portugaise, qui fonctionne connue un produit d’exportation au même titre, bien que selon d’autres modalités, que l’art des aéroports, ces monstres de laideur proposes aux touristes dans nos salles de transit et sur lesquels ces derniers se précipitent, faute de mieux, à quelques minutes du décollage. Un discours se module toujours un peu en fonction de son destinataire. L’ethnophilosophie m’a paru, précisément, une forme de discours née d’une situation ou le locuteur, qu’il soit occidental ou africain, sait qu’il s’adresse, dans tous les cas, a un public non-africain et qu’il peut s’ ériger, sans grand risque d’ être contredit, en porte-parole des populations concernées. L’exclusion de ces dernières du publie potentiel entraine des effets très précis sur le contenu même du discours, le choix des thèmes et des méthodes, la formulation et les modalités de traitement des problèmes. Ce qui est vrai de l’ethnophilosophie l’est aussi de l’ethnoscience. Inventaire des connaissances dites traditionnelles, elle est, comme l’ethnophilosophie, un discours a. la troisième personne qui entend rendre compte, en l’absence des populations concernées, de ce qu’elles sont censées savoir. Est donc volontairement évacue le problème de la valeur de ce savoir, de son degré de cohérence et d’objectivité. Peu importe a. l’ethnologue que ces pensées soient vraies ou fausses: il lui suffit qu’elles soient. Foin de toute inquiétude, et de ce corps-à-corps incertain du chercheur avec le vrai. L’ethnologue est un homme heureux. Il laisse les choses en l’état. Avant comme après son constat, le monde est ce qu’il est, toujours aussi opaque et inhumain. Et dans ce monde, le savoir reste un immense héritage collectif entièrement gère et contrôle par le Nord. J’avais été frappe, en lisant Samir Amin, par l’usage qu’il fait de la notion 199 d’extraversion. Par opposition a. une économie autocentrée, capable de compter d’abord sur elle-même (self-reliant) en assurant, pour l’essentiel sa propre cohérence interne, l’économie sous-développée est tout entière tournée vers l’extérieur, ordonnée et subordonnée aux besoins des classes dirigeantes des métropoles industrielles. L’approche de Samir Amin, qu’il partage avec tous les économistes qu’on dit néo-marxistes, avait a. mes yeux le mérite de mettre en perspective historique et par conséquent, de rendre intelligible ce qu’il est convenu d’appeler le sous-développement et qu’on serait tente, alternent, de prendre pour une fatalité. Le sous-développement n’a donc pas toujours existe. Il a une genèse et une histoire: l’histoire de l’intégration progressive des économies de subsistance au marché capitaliste mondial, a. travers, notamment, la traite des esclaves et la colonisation. Ce qui l’a toujours caractérise et continue de le caractériser au-delà de la cascade des indépendances formelles, c’est précisément d’être une économie extravertie: une économie qui vise avant tout a. fournir des matières premières et accessoirement des débouches aux industries de transformation massivement localisées au centre du système (Amin, 1968, 1970, 1971, 1985; Frank, 1970; Wallerstein, 1980, 1984a, 1984b). Du coup, je pouvais faire la jonction avec la critique de l’extraversion développée dans Sur la « philosophie africaine» et les articles subséquents. L’extraversion intellectuelle m’apparaissait désormais comme une conséquence, voire comme un aspect particulier de l’extraversion économique, On ne pouvait, bien entendu, réduire la première a la seconde. Plus que jamais il fallait résister à la tentation de l’économisme, et reconnaitre la spécificité de l’activité scientifique par rapport au procès de production et d’échange des biens matériels. Je...

Share