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55 IX G aston frappe deux fois à la porte avant qu’on ouvre. Devant Sabine, se tient un solide gaillard souriant, avec une barbiche et une moustache salies par le voyage. Il porte un gros sac à dos et un sachet à la main. C’est lui qui, le premier, s’adresse à sa mère qu’il n’a pas revue depuis plus de dix ans : M’man ! À ce mot, Sabine, qui n’avait pas tout de suite reconnu son fils, court à sa rencontre. Elle le débarrasse de ses affaires, lui donne une chaise, et va lui chercher de l’eau. Où est papa ? Il est allé faire une course, mais il est peut-être sur le chemin du retour… Albert ! Viens souhaiter la bienvenue à ton grand frère. Gaston est venu. L’enfant, qui coupait du bois pour sa mère non loin de la cour, vient en courant pour serrer la main de Gaston. Celuici voudrait continuer de poser des questions, mais sa mère l’invite d’abord à se laver et à se reposer. Elle lui indique la chambre qu’il va occuper. Dès qu’il revient après la douche, Gaston recommence à poser des questions : Et Léonard ? A-t-il réussi à l’école ? Il a bien travaillé mais n’a pas pu continuer… Nous n’avons pas eu de l’argent pour payer sa scolarité. Elle lui retrace la bonne scolarité de Léonard, l’aide généreuse de son oncle David, ses difficultés, les tentatives de solution, le vol ... Le vieux Paul Bitirga fait son entrée. Il a un fagot de bois sur les épaules. La vue de Gaston ne produit pas sur le visage du vieillard l’effet attendu par Sabine. Son visage qu’elle pensait voir s’allumer de joie est 56 Emmanuel Kouraogo resté sans aucun changement. Gaston l’aide à se débarrasser du fagot de bois, puis, vient le saluer. Sabine, tout en apportant de l’eau à son mari, lui demande : Tu ne reconnais pas ton fils Gaston ? Il est arrivé il y a à peine une heure. Bien sûr que si. Même s’il a maintenant une barbe il n’a pas beaucoup changé… Gaston, d’où viens tu ? De Bako. Nous avons voyagé toute la journée. Et ton frère Henri ? Qu’est-il devenu ? Le silence du jeune homme jette un froid glacial parmi le petit groupe, qui s’empresse de lui reposer la même question : Parle Gaston, lui supplie sa mère debout à l’écouter. Frottant ses yeux, le garçon murmure : Il…est…mort. Et il fond en larmes. Sabine aussi se met à pleurer en criant : Mon fils !... Je veux mon fils ! Albert, voyant sa mère dans un piteux état, commence aussi à pleurer. Le vieux Bitirga, resté calme, se met à consoler toute sa famille. Quand la situation redevient normale, Paul appelle son fils Gaston et demande : Comment cela s’est-il passé ? Le jeune homme se met à raconter l’histoire : Nous sommes arrivés à Salanda, où nous avons vécu ensemble dans la même maison pendant deux ans. Chaque jour, chacun de son côté cherchait de quoi faire pour manger. C’est ainsi que nous avons fait beaucoup de petits travaux, certains vraiment dégoûtants : nous avons ciré des chaussures ; nous avons été gardiens dans des bordels ; nous avons repassé des habits, lavé des voitures, fait la cuisine ; nous avons vendu du faux savon ; nous avons débouché des caniveaux ; nous avons aussi vendu des médicaments au marché noir et des faux bijoux, etc. Il n’y avait rien à faire, nous arrivions difficilement à manger et à payer le loyer. La situation devenait plus grave parce que des mauvais politiciens gâtaient le nom des étrangers. Chaque jour il y avait des rackets et des opérations« coups de poing » contre nous. Nous n’étions jamais sûrs [3.145.201.71] Project MUSE (2024-04-26 15:23 GMT) 57 Bi Tirga de garder le peu d’argent que nous gagnions. Du jour au lendemain, il pouvait être retiré sans raison valable par des agents de police ou de simples bandits. Alors pour survivre, Il nous fallait apprendre à résister, à être courageux, à faire aussi le bandit. Nous devenions des hors-la-loi, parfois au risque de notre vie. À la troisième année, un jour du mois d’avril, j’ai rencontré, par hasard dans un taxi, un blanc qui avait besoin d’un boy...

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