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6 La formation de la masculinité entre la tradition et la modernité (le cas du sud du togo) Svetlana Roubailo Koudolo Introduction La formation de la masculinité, en tant que catégorie sociale, s’effectue au cours du processus de la socialisation des enfants. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, ce processus traverse des mutations accélérées dues aux changements socio-économiques et culturels continentaux et mondiaux. L’économie de marché, l’urbanisation croissante, la scolarisation massive de la jeune génération, la christianisation et les différentes formes d’acculturation ont influencé le mode de vie de la population. Les crises sociopolitiques et socio-économiques des années 80-90 qu’a connu le pays ont approfondi davantage les difficultés économiques, abaissé le niveau de vie. Dans l’ensemble, tous ces changements ont eu un impact sur le statut social de l’individu, sur les rapports du genre et sur le processus de la socialisation des enfants. Dans ces conditions socio-économiques précaires, la construction du genre s’aligne sur les exigences nouvelles de la vie. Elle produit, par conséquent, des stéréotypes de la masculinité et de la féminité qui reflètent le recul des modèles traditionnels au profit des constructions modernes. L’enculturation qui est à la base de la formation du genre a déjà assimilé les multiples traits de la culture universelle. Cependant, elle s’exprime différemment dans le milieu rural et urbain. Dans les zones rurales les instituts traditionnels jouent encore un rôle de détenteur de la tradition et participent plus activement dans la transmission culturelle. Par contre, en milieu urbain cette transmission se présente autrement : elle s’appuie plutôt sur les modèles et valeurs nouvelles. 89 Koudolo : La formation de la masculinité entre la tradition et la modernité Jusqu’à présent, le thème de la formation de la masculinité sur la côte du Golfe du Bénin, plus précisément au Togo, n’a pas attiré une attention particulière des chercheurs. Néanmoins, certains d’entre eux ont abordé quelques aspects de ce sujet. Parmi les œuvres les plus importantes, il faut citer L’enfant et son milieu en Afrique Noire de P. Erny, où l’auteur donne un large panorama de la socialisation africaine et soulève, entre autres, le problème de la formation de la masculinité. Les auteurs comme F. Agblemagnon, D. Houenassou-Huangbe ont aussi accordé un certain intérêt à l’éducation des enfants dans cette région où la question de la masculinité a été soulevée. Nos recherches précédentes, consacrées au processus de la socialisation des enfants en milieu ewe, ont abordé également les spécificités de la formation de la masculinité. Des données sur les représentations symboliques du genre ont été obtenues également grâce aux ouvrages consacrés à la vie religieuse et socioculturelle de J. Speith et de C. Rivière. Les ouvrages historiques de H. Kwakume, N. Gayibor nous ont fourni une vision globale sur la genèse de l’aire culturelle du sud du Togo dont les Ewe et les Guins sont ses deux principales composantes. Les travaux de nombreux spécialistes du genre ont particulièrement enrichit notre étude sur le plan théorique. Les auteurs comme D. Gardey et I. Löwy, entre autres, ont présenté l’évolution de la conception du genre et de la masculinité à travers le temps. Au cours des époques précédentes, elle a été généralement enracinée dans la pensée naturaliste et s’est basée sur la vision binaire de la nature comme par exemple : la nuit et le jour, le haut et le bas, le mâle et la femelle. Cette pensée valorise l’homme, compte tenu de ses fonctions « extra-sociales » qui, selon Sherry B. Ortner, se trouvent en rupture avec la nature humaine. En même temps, cette doctrine dévalorise la femme par ses fonctions « inter–sociales », telles que la maternité, « l’élevage des enfants » ou la transformation des produits alimentaires, qui lient étroitement la femme à la nature (Gardey, Löwy 2000 : 110-111). D’autres courants de pensée comme le constructivisme culturel, contredisent le premier et estiment que la réification de l’individu se fait à partir de la formation différentielle des deux sexes, imprégnée par le symbolisme et la sémiotique culturelle...

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