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1 1947 : solidarités africaines et avenir de l'Algérie Fouad Soufi L’année 1947 fut-elle décisive pour l’Algérie ? Le dépôt par le gouvernement français d’un projet de loi portant Statut organique de l’Algérie avait donné lieu à des discussions longues et passionnées auxquelles les députés africains les plus en vue avaient participé. Aussi, si l’on a souvent évoqué la solidarité africaine à l’endroit de l’Algérie durant la Guerre de libération nationale (1954-1962), on a certainement moins vu comment les élites politiques africaines mobilisées dans la lutte anti-coloniale avaient apporté leur soutien aux revendications nationales algériennes. C’était là, déjà, une bien vieille tradition. Député du Sénégal, Blaise Diagne, au cours d’un débat à l’Assemblée nationale française, en 1927, avait revendiqué pour les musulmans algériens une représentation au Parlement. Vingt années plus tard, devant l’Assemblée consultative, Gabriel d’Arboussier posait la question du rapport colonial qui lie la France et l’Algérie à partir d’une simple proposition d’organisation des commissions de l’Assemblée. L’Algérie devait-elle faire partie de la Commission chargée des départements et territoires d’outre-mer ou continuer à relever de celle de l’Intérieur ? Paul-Émile Viard1 , représentant la Résistance à Alger, ayant compris la manœuvre et avec la complicité du Dr Benjelloul2 , soutient que l’Algérie se compose de trois départements français qui relèvent administrativement du ministère de l’Intérieur et non de celui de la France d’outre-mer et qu’en conséquence envisager de l’inscrire dans un autre cadre remettrait en cause le principe constitutionnel de la République une et indivisible . Mille neuf cent quarante-sept (1947), « l’année où le monde a tremblé » avait écrit en son temps Dominique Desanti3 . Le monde colonial français a aussi trembl é : l’Indochine depuis deux années déjà, Madagascar (depuis le 29 mars) et 8 Intégration régionale, démocratie et panafricanisme Casablanca (le 7 avril), ont servi de toile fond au débat sur le Statut de l’Algérie, événements auxquels il faut ajouter le souvenir encore vivace des Massacres de Sétif-Guelma de mai 1945. En Asie, les empires coloniaux britanniques et hollandais disparaissent de façon violente. L’Empire colonial français, désormais et de par la Constitution de 1946, l’Union française, s’est retrouvé inscrit à l’ordre du jour de trois débats4. Le premier grand débat concerne les événements de Madagascar (6, 8 et 9 mai) qui s’est poursuivi avec celui de la levée de l’immunité parlementaire des trois députés malgaches, Raseta (le 6 juin), Ravoahangy et Rabemananjara (le 1er août). Au cours de ce débat, s’affrontent déjà les représentants africains toutes tendances politiques confondues et les tenants de l’ordre colonial. Le débat sur les Grands conseils de l’AOF et de l’AEF (4 août 1947) fut plus rapide, et enfin celui sur le Statut de l’Algérie (10-29 août 1947) fut le plus houleux. Léopold Sédar Senghor, député socialiste du Sénégal, l’avait vite compris : « ce problème est plus grave que celui de Madagascar, plus grave même que celui de l’Indochine » [19 août 1947, 2e séance]. Félix Houphouët-Boigny, député de la Côte d’Ivoire, apparenté communiste , avait renchéri le lendemain. Pour lui, il ne fait aucun doute que : Les peuples d’outre-mer considèrent ce débat [sur l’Algérie] comme la premi ère épreuve, l’épreuve décisive pour une union française réalisée non pas dans la méfiance, la haine et le sang–comme hélas ! c’est bien souvent le cas– mais dans la concorde et dans la paix. …Plus de tergiversations, plus de demimesures , plus d’équivoques, mais un acte que tout le monde attend de la France : le statut démocratique de l’Algérie [20 août 1947, 3e séance]. Ces trois débats ont démontré que le problème colonial français était considéré comme un tout. Maurice Viollette, critiquant la droite coloniale qui, par son attitude...

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