In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

3« Je suis un Sidibé de Tiémélékro1». L’acquisition de la nationalité ivoirienne à titre originaire: critère juridique ou critère anthropologique ? Epiphane Zoro La gestion de la question de la nationalité en Côte d’ivoire a des enjeux politiques importants, au-delà des considérations économiques, sociales ou culturelles qu’une telle problématique peut susciter. Une meilleure appréhension de cette passion politique autour de la nationalité passe néanmoins par une prise en compte des difficult és économiques et sociales liées à la cohabitation de l’Ivoirien et de l’étranger. En ce domaine les chiffres nous semblent plus éloquents que tout discours. La Côte d’Ivoire est un pôle d’immigration en Afrique occidentale et tient une place identique tant au plan démographique qu’au plan économique à celle occupée par l’Afrique du Sud en Afrique septentrionale. Il s’infère du recensement générale de la population de 1998 que la Côte d’Ivoire compte 4 millions d’étrangers sur les 15,4 millions d’habitants que constitue sa population, soit un taux de 26% d’étrangers , le plus élevé au monde. Cette population étrangère représentait en 1988, 32% de la population active, un pourcentage fort élevé, inimaginable ailleurs en Afrique. Notons toutefois que 41% de ces étrangers sont nés en Côte d’Ivoire et que 47% de ceux qui sont nés en dehors du pays y ont plus de 10 années de résidence. La politique de naturalisation pour sa part reste extrêmement restrictive: 88 000 naturalis és depuis l’indépendance en 1960 (Cf. La Côte d’Ivoire à l’aube du XXIe siècle, défi démographique et développement durable 2001). L’importante présence étrangère en Côte d’Ivoire trouve son origine dans la colonisation et dans la volonté du colonisateur de développer sur ce territoire des cultures d’exportation notamment la café et le cacao, mais aussi de réaliser des infrastructures en matière de travaux publics afin de faire de cette colonie sa vitrine en Afrique de l’Ouest du point de vue de la modernité. Une importation massive de 80 Frontières de la citoyenneté et violence politique en Côte d'Ivoire main-d’œuvre en provenance de la sous-région, surtout de la colonie voisine de la Haute-Volta sera organisée à cet effet. Une telle circonstance explique le fait que 51% des étrangers recensés soient originaires du Burkina-Faso. Il convient toutefois de noter qu’à cette époque coloniale, en tout cas de 1932 à 1947, une large partie de l’ex-Haute-Volta (actuel Burkina-Faso) formait avec la Côte d’Ivoire une seule et même colonie. Le choix du libéralisme économique opéré par le président Houphouët-Boigny2 après la décolonisation a aidé à perpétuer l’initiative coloniale d’importation de la main-d’œuvre étrangère, la Côte d’Ivoire constituant de toutes les façons pour de nombreux ressortissants des pays voisins moins favorisés économiquement une esp èce d’eldorado. À l’accession de la colonie ivoirienne à l’indépendance, va se poser le problème du critère de définition d’une nationalité ivoirienne. Entre les deux régimes du droit du sang et du droit du sol, le choix n’est pas simple. Du point de vue de l’idéologie de l’immigration, « le droit du sang prédomine dans les pays d’émigration qui souhaitent maintenir des liens d’allégeance avec leurs expatriés […] Le droit du sol (par contre) prédomine dans les pays d’établissement » (La Côte d’Ivoire à l’aube du XXIe siècle, défi démographique et développement durable, op. cit.). La Côte d’Ivoire ne semble répondre à aucun de ces schémas. L’important flux d’immigration qu’elle a connu longtemps avant et bien après l’indépendance ainsi que nous l’avons vu plus haut, aurait pourtant dû faire d’elle un pays d’établissement. Il appert plutôt du code de la nationalité que le législateur a opté pour un droit du sang légèrement aimanté par un droit du sol. En effet les étrangers qui résidaient sur le territoire ivoirien avant 1960 avaient la faculté de bénéficier de la nationalité ivoirienne par voie de...

Share