Personnage virtuel et corps performatif: Effets de présence

Exuvie chorégraphique de Choinière-Ballard et Migration numérique de Vesac : personnage virtuel, figure ou avatar ?

Exuvie chorégraphique de Choinière-Ballard et Migration numérique de Vesac Personnage virtuel, figure ou avatar? CANADA Louise BOISCLAIR Louise Boisclair est auteure, artiste et conférencière. Au début de 2013, elle a terminé une thèse de doctorat intitulée La traversée de l’installation interactive: une expérience perceptuelle du geste interfacé. Elle écrit dans de nombreuses revues en art actuel et a réalisé le film Variations sur le hook up et prototypé le conte interactif Variations sur Menamor et Coma. Le personnage requiert pour exister la coopération et l’interprétation du lecteurspectateur , qui prend certes des formes différentes selon qu’elle requiert son imagination (roman), que le personnage est face à lui sous la forme d’un corps d’acteur, avec des effets de présence et d’interaction (théâtre), ou que le personnage existe sous la forme d’un corps cinématographique, par définition voué à la fragmentation (par le cadre, le montage, l’articulation, le son, l’image, etc.) Jacqueline nACACHe1 À l’avant-scène Prenant comme cas de figure deux œuvres d’art actuel – une sculpture vidéo rotative et un autoportrait interactif –, ce texte s’interroge sur la notion de personnage virtuel, en la confrontant à celles de personnage, de figure et d’avatar, selon les déclinaisons formelles et opérationnelles 1. Jacqueline Nacache, Le personnage filmique, Cours« Théorie littéraire » – Le personnage, , consulté le 19 mars 2013. 150 Personnage virtuel et corps performatif de chacune. La première œuvre, Exuvie chorégraphique des artistes Isabelle Choinière2 et Stéphan Ballard, est une installation vidéographique en trois dimensions, exposée dans le cadre d’Art souterrain lors du Festival de lumières de Montréal en février 2010. La seconde, Migration numérique de l’artiste Jean-Ambroise Vesac3 , intégrée à l’exposition Une étendue apparemment infinie et tentaculaire à la galerie Skol de Montréal en septembre 2010, propose un autoportrait interactif augmenté de portraits superposés. Face à de nouvelles techniques de mise en images, soit la capture en trois dimensions pour les deux œuvres, la rotation d’une image à 360 degrés pour Exuvie et l’interactivit é par captation de la tête du visiteur pour Migration, le spectateur voit ses modalités perceptives renouvelées de façon singulière, notamment dans son interaction avec le personnage. L’appropriation de ces œuvres apportera des pistes de réponse au questionnement suivant: Comment les personnages réels, transformés en personnages virtuels en tout ou en partie, interviennent-ils dans la configuration des interfaces? Comment ces personnages virtuels interagissent-ils avec les regardants , dans des postures esthétiques contemplatives ou interactives? Enfin, comment le personnage réel, virtuel ou hybride médiatise-t-il notre relation au monde? Mais tout d’abord, dans le cas des œuvres examinées, s’agit-il bien de personnages et, de surcroît, virtuels? Dès le départ, il sera nécessaire de revisiter la notion de personnage dont l’identité, tout au moins la définition, se transforme d’un support à l’autre. Pour l’exploration de chacune des œuvres, nous privilégierons une approche phénoménologique dans laquelle s’enracine une analyse sémiotique du processus de signification rattaché à la composition formelle et opérationnelle, soit le processus de production-réception. Puis nous relaterons l’expérience singulière du spectateur devant et autour de la scène de chaque œuvre, la façon dont la perception joue à l’intérieur de la scène, pour Exuvie, ou en interaction avec l’autoportrait, pour Migration. Au fur et à mesure se préciseront les singularités du «personnage» associé au portrait (corps, tête, membres), notamment par la captation en trois dimensions du corps d’une danseuse dans Exuvie et de l’autoportrait augmenté de modèles pour Migration numérique. À la suite de cette analyse croisée, nous verrons comment leur dispositif médiatique respectif modifie l’horizon d’attente du spectateur face au personnage, pour interpréter la proposition, non seulement 2. Isabelle Choinière est artiste, conceptrice, auteure en arts médiatiques et chorégraphe, fondatrice de Corps indice. Stéphan Ballard est artiste concepteur en arts médiatiques et vidéaste d’animation. 3. Jean-Ambroise Vesac se présente comme un artiste éclectique des nouveaux médias. Sa pratique comprend la robotique, la vidéo immersive et la performance audiovisuelle. [3.17.186...