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9 L’actualité d’Arcisse de Caumont Il nous faut répudier les anciennes traditions d’obéissance passive aux prescriptions parisiennes. Arcisse de Caumont, 1872, p. XCVII1 1. Arcisse de Caumont, «Discours d’ouverture de la séance publique du 21 décembre 1871», Mémoires de la Société des antiquaires de Normandie, Société des antiquaires, Paris, 1872, p. XCVII. DROIT DE CITÉ POUR LE PATRIMOINE 84«L’ ancien monde fuit à grands pas; mœurs, principes, croyances, arts, architecture : tout se modifie avec une rapidité surprenante, et bientôt un ordre nouveau aura pris la place de l’ancien.» Chacun aura reconnu les premières phrases du discours d’ouverture de la séance publique du 21 décembre 1871 devant la Société des antiquaires de Normandie. Ce n’était point seulement la défaite, ni le passage de l’Empire à la République qui avait suscité cette déclaration sur la fuite du temps: Arcisse de Caumont, observateur avisé DR Bulletin de la  Société des antiquaires de Normandie, tome VII, années 1874 et 1875. [3.142.200.226] Project MUSE (2024-04-26 06:17 GMT) l’ActuAlIté d’ArcIsse de cAuMont 85 de la modernité et défenseur passionné des monuments anciens, n’avait point besoin, pour éprouver celle­ci, des revers de la vie politique: «Cette préoccupation de l’avenir a été la cause première et l’origine de la savante réunion provinciale dont nous fêtons aujourd’hui le quarante­huitième anni­ versaire», continuait­il. Aussi à la question «Quelle est l’actualité d’Arcisse de Caumont?», on pourrait très simplement répondre: c’est le colloque du cent­cinquantenaire anniversaire de sa naissance, c’est la Société des anti­ quaires de Normandie toujours vivace, ou encore la Société française d’ar­ chéologie, tout ce qui fait que le Normand reste à nos yeux bien davantage qu’un nom. Mais il faut sortir de cette petite société que nous constituons et se poser la question suivante: «Quelles leçons le Français d’aujourd’hui peut­ il tirer de l’action du directeur de l’Institut des provinces?» ■ ■ Que reste-t-il aujourd’hui d’Arcisse de Caumont? Nous voulons parler de celui qui fut comme la cheville ouvrière posthume du fameux congrès archéologique organisé en 1934 à Paris par la société française d’archéologie pour cristalliser un siècle d’action en faveur du patrimoine: les deux volumes d’actes qui en sont issus demeurent encore la bible du chercheur en histoire du patrimoine. Nous évoquons encore les travaux, plus récents, de Bernard Huchet, et encore l’insertion de son nom, par la plume de Françoise Bercé, au nombre des lieux de mémoire répertoriés par Pierre Nora. De ce Caumont, le souvenir qui reste n’est pas celui d’un érudit, d’un réactionnaire cantonné sur ses terres par refus masochiste du monde. Un tel point de vue, voire ce préjugé, dévalorisant ou, tout au mieux condes­ cendant, a condamné toute une génération et une classe sociale: ceux qui, par fidélité aux Lys, ont préféré traverser sur leurs terres le «désert» poli­ tique dans lequel les événements les avaient précipités. On pense à l’angevin Quatrebarbes, éditeur des œuvres du roi René et commanditaire auprès du sculpteur David d’Angers d’une statue en pied du dernier de la dynastie des Angevins: la conjonction de l’action du légitimiste et du franc­maçon libé­ ral montre combien l’emphatisation des gloires locales ne peut s’interpréter comme l’expression d’un repli sur soi frileux. Pas davantage on ne peut la réduire à une dialectique, une «posture» idéologique opposant la droite, déclarée passéiste ou «nostalgique» – aujourd’hui la pire des accusations – et la gauche utopiquement tournée vers l’avenir. Elle exprime plutôt un refus du «jacobinisme», interprété comme l’expression de la centralisation et du parisianisme, et véhiculé alternativement par la gauche et par la droite, selon que l’une ou l’autre est parvenue au pouvoir. La première des originalités qui caractérisent Caumont tient dans ce discours construit et cohérent qu’il propose sur le «patrimoine». Un patrimoine conçu et porté par l’opinion locale: il se distingue de celui que Guizot...

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