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IV NOUS FAISONS DES PLANS La foudre tombant… C’est un vieux cliché, mais les vieux clichés servent toujours. Autant vous dire, n’est-ce pas, que je demeurai sans voix. Et quand je repris la parole, ce n’était plus pour élever une protestation, mais pour formuler de simples objections qui me semblaient sensées. Car, mon parti fut pris du premier coup. Robert Shaw et Jacqueline Bert pouvaient compter sur moi. Et je crois bien qu’ils n’en avaient jamais douté une seconde. – Voyons, dis-je, la situation est la suivante. Vous avez réussi à quitter la zone où les nouvelles voyagent vite. Le cinéma, d’ailleurs, vous couvre. Pas une minute, Dalrymple n’a soupçonné la véritable raison de votre voyage, pas plus que je l’avais fait moi-même. Dans tout le Nord, l’explication semblera parfaitement naturelle. Nous redes­ cendrons tranquillement au printemps, à une époque où personne au Canada ne pensera plus à l’affaire Shaw. On vous aura cherchés partout sans vous trouver. À quoi bon vous exposer à des dangers immenses, je vous [ 124 ] LA LOI DU NORD le répète, et dont je ne vois pas, je l’avoue, la nécessité. Personne ne songera à établir de rapprochement entre M. et Mme Hearne, voyageant avec moi dans le Nord, et Robert Shaw et Jacqueline Bert. – C’est ce qui vous trompe, dit Shaw. Mon cher Louis – cela ne vous fait rien que je vous appelle par votre petit nom? – tout le monde à Edmonton et à Athabasca Landing sait aujourd’hui qui nous sommes, et le caporal Dalrymple en sera informé dès que Mac lui aura remis son courrier… Cela vous étonne? – Cela m’étonne beaucoup, dis-je. – Vous vous rappelez la hâte que j’ai mise à quitter Athabasca Landing? – Oui. Elle m’avait vivement surpris. – Eh bien, comme je passais devant la poste, j’ai entendu le maître de poste discuter le coup. Il venait de recevoir un télégramme lui annonçant les warrants, les mandats d’amener. C’est pourquoi je tenais à passer à Fort Chamberlain bien avant le courrier. Demain, ou après, Dalrymple recevra des ordres qui vont probablement bien l’ennuyer. Mais, comme c’est un homme, à ce que j’ai pu voir, il ne balancera pas à les exécuter. Et si je suis bon juge, il n’y a rien à faire pour l’acheter. Tant mieux pour lui, d’ailleurs, et tant pis pour moi. – Mais comment a-t-on pu savoir? – Mon cher Louis, si bien préparée que soit une affaire, on se perd toujours dans un petit détail. J’avoue, quand j’ai entendu – heureusement pour moi, dans l’ombre – [3.138.200.66] Project MUSE (2024-04-26 07:27 GMT) [ 125 ] LA LOI DU NORD les explications données par le maître de poste, que j’ai eu une seconde de véritable écroulement de tout mon être. Courir tout au travers du Canada, et, sous prétexte de cinéma ; me faire oublier six mois dans les lieux les plus sauvages, ce n’était, je pense, pas mal combiné. À Montréal, je n’avais pas pu m’embarquer. J’étais pisté de trop près. Et vous comprenez bien que tous les ports, toutes les frontières sont à présent alertés. Alors, mon plan était le meilleur. Il avait des chances de réussir, il devait réussir… Ici intervient le grain de sable… Vous pensez bien qu’au moment de partir, je m’étais matelassé assez confortablement de billets de banque. Ce n’était pas le moment de courir le monde avec une lettre de crédit et des pièces d’identité, même très habilement forgées. Et j’ai commis la sottise, l’énorme, l’inqualifiable sottise, de prendre des dollars américains… Vous me direz que les billets de banque américains circulent abondamment au Canada… C’est vrai. Mais ce qui n’est pas fréquent, c’est un homme qui règle de gros achats uniquement en billets américains. C’est ce que j’ai eu la sottise de faire… Un commis malin a tiré aussitôt des déductions… Il faut vous dire que ma femme a offert une prime de dix mille dollars à qui donnerait un renseignement susceptible de me faire retrouver… Dix mille dollars… Ah! pendant que j’y pense, Louis, il est bon que vous sachiez...

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