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Les premières décennies qui ont suivi le développement de la politique extérieure du Canada à la suite de l’adoption de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867 sont marquées par une profonde volatilité. Il est couramment accepté que la culture stratégique du Canada (bien que pas nécessairement dénommée ainsi) évolue, de la fin du XIXe siècle au milieu du XXe , d’un impérialisme britannique à un internationalisme nationaliste, en passant par un isolationnisme nord-américain au cours de l’entre-deux-guerres (Nossal, Roussel et Paquin, 2007, p. 227-258). Un tel revirement paradigmatique s’explique, pour certains réalistes, par l’évolution naturelle de la politique de sécurité internationale du Canada en fonction de sa puissance relative. Le Canada passe, dans cette perspective, de puissance marginale au XIXe siècle à la quatrième puissance mondiale à la fin de la Seconde Guerre mondiale, de même que d’une colonie rattachée à un empire britannique florissant à un pays souverain mais largement dépendant de la superpuissance américaine à la suite du déclin du Royaume-Uni1 . Cette transformation permet d’expliquer, juge-t-on, non seulement la participation canadienne aux entreprises militaires dirigées par l’hégémon britannique puis américain (Underhill, 1960, p. 257), mais également l’ampleur de la contribution militaire canadienne (Haglund et Roussel, 2007, p. 13), c’est- à-dire deux aspects fondamentaux d’une culture stratégique nationale. La perspective constructiviste privilégiée ici reconnaît que la perception de la puissance relative influence significativement la politique étrangère des États, mais soutient que c’est un changement de l’identité dominante de l’État qui, en amont, explique un tel revirement culturo-stratégique. Certains estiment, à l’instar de F.R. Scott, que ce sont les identités nord-américaine et britannique qui sont au cœur du revirement culturo-stratégique (Scott, 1932; 1938, p. 131). Est-ce à dire que la filiation identitaire française, dont les paramètres historiques ont été explorés dans le chapitre précédent, n’est d’aucune incidence sur l’évolution et la (trans)formation de cultures stratégiques après la Confédération? C’est ce que croit l’historien Norman Hillmer, 1 . Deux ouvrages classiques sont recommandés à cet égard: Lower (1977) et Granatstein (1989). Pour une vision plus critique, voir McNaught, 1968. Pour une approche théorique de la puissance relative en PEC, voir Kirton, 2007, p. 73-86. Chapitre 4. L’ÉCHEC DE L’ATLANTISME BICULTUREL 120 qui affirme même qu’il y a peu de rupture entre la politique extérieure du Canada au cours de cette période, le Canada préférant, qu’importe la rhétorique politique du moment, demeurer un allié fiable des États-Unis et de la Grande-Bretagne, puisque ses intérêts nationaux lui commandent une solidarit é anglosphérique, tout en prenant soin de ne pas être politiquement marginalisé au sein de l’anglosphère. Si la France est mentionnée au cours du célèbre Grey Lecture de Louis St. Laurent en 1947, selon Hillmer, il s’agit avant tout d’un ajout «artificiel» afin de plaire aux Canadiens français, et non pas la reconnaissance effective que la France occupe une place d’importance dans la politique étrangère canadienne (Hillmer, 2003, p. 147 et 151; 2005, p. 32-33; Granatstein, 2003; Hart, 2008). Ce chapitre et le suivant tentent de démontrer que les thèses de l’anglosph ère, du triangle nord-atlantique et de la puissance relative sont insuffisantes pour expliquer la nature (la participation ou non) et l’ampleur (le niveau de contribution) des engagements militaires canadiens au cours de cette période de grande volatilité, c’est-à-dire de 1867 à 1949. Et cela, en raison de l’importance de la francosphère, dont les fondements identitaires ont été explorés précédemment. Il s’agit plus précisément d’illustrer l’importance considérable, quoique variable, que prend la France dans la pensée et l’action stratégiques du Canada eu égard aux quatre cultures stratégiques qui se manifesteront au cours de la période étudiée: l’antimilitarisme impérial, l’impérialisme canado-britannique, le franco-catholicisme et l’atlantisme biculturel. Nous verrons que l’établissement de cette dernière conception des intérêts stratégiques canadiens – et...

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