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Les célébrations entourant la commémoration du 400e anniversaire de la fondation de la ville de Québec (1608) et celles entourant la reconstitution de la bataille des plaines d’Abraham (1759) ont souligné l’importance capitale du lien originel français dans l’histoire de la politique étrangère du Canada. Lorsque le premier ministre Stephen Harper affirma en mai 2008 que le Canada est «né en français» et que «la fondation de Québec est aussi la fondation de l’État canadien», il souleva l’ire d’un grand nombre de Québécois, qui se sont insurgés contre une telle «réécriture surréaliste de l’histoire» (Descôteaux, 2008a, p. A6; Toupin, 2008, p. A25; Dutrisac et Porter, 2008, p. A1). C’est que le premier ministre avait ainsi occulté la « rupture originelle» ou le «fait diviseur originel» que représente la bataille des plaines d’Abraham, «la plus importante défaite» de l’histoire des Québécois selon plusieurs, dont la députée bloquiste Christiane Gagnon (Canada, 2009, p. 13 ; De Waele, 2008, p. A7). Le point de départ de notre analyse que représente 1759 peut sembler fort éloigné: plus d’un quart de millénaire nous sépare de cette date. Mais elle demeure à jamais gravée dans la mémoire collective québécoise et, conséquemment , canadienne. Plus encore, elle souligne qu’avec la Conquête s’est amorcée une reconceptualisation du Canada et de ses relations extérieures1 , en particulier avec la France. Toute analyse du rapport Canada-France doit donc nécessairement débuter avec le schisme originel qui sépare la colonie de sa première mère patrie. Ses effets sont d’ailleurs toujours palpables. L’annulation de la reconstitution de la bataille des plaines d’Abraham prévue pour son 250e anniversaire fut dénoncée comme un acte de «couardise» par certains estimant qu’elle signifiait céder devant l’interprétation dominante (mais inexacte) de l’événement au Québec, c’est-à-dire que «le paradis de la Nouvelle-France fut transformé en enfer par la conquête, enfer dont nous ne serons libérés que le jour de l’indépendance» (Pratte, 2009, p. A18). 1 . On s’abstient d’utiliser le terme «politique étrangère» au cours de la période précédant 1931, puisque c’est Londres plutôt qu’Ottawa qui détient jusqu’à cette date les prérogatives en la matière. Le terme «politique extérieure» est ici utilisé de manière à qualifier les rapports qu’entretenait le gouvernement fédéral avec toute autre entité politique extérieure aux fronti ères canadiennes, incluant le Royaume-Uni. Chapitre 3. LES FONDEMENTS DE LA FRANCOSPHÈRE 82 Similairement, le président de la République française Nicolas Sarkozy fut vertement critiqué dans les milieux souverainistes lorsqu’il minimisa la«division originelle» lors de son bref passage à Québec, insistant plutôt sur les bienfaits de l’unité canadienne2 . Les épisodes du 250e anniversaire de la victoire britannique sur les plaines d’Abraham ainsi que celui du 400e anniversaire de la fondation de la ville de Québec révèlent combien la représentation identitaire du Canada est toujours contestée et influence indéniablement les rapports politiques du pays avec la France. Alors que le premier ministre Harper et le président Sarkozy ont insisté sur l’amitié franco-canadienne fondée sur une histoire et un patrimoine culturel commun (le Canada étant né en français), le premier ministre québécois Jean Charest et dans une moindre mesure le président Sarkozy ont souligné le caractère «spécial » et «unique » des relations franco-québécoises (Beauchemin et Chouinard, 2008, p. A4 ; Robitaille, 2008, p. A1). Cette lutte contemporaine entre Ottawa et Québec pour la reconnaissance de la France montre combien un événement aussi éloigné temporellement peut être significatif pour les rapports contemporains du Canada et du Québec avec la France. Ce chapitre vise à poser les fondements historiques de la francosphère transatlantique. Celle-ci est nécessaire à l’existence d’une culture stratégique biculturelle et atlantiste, et a pour conséquence l’établissement d’un quadrilatère nord-atlantique comme cadre géonormatif de la politique étrangère canadienne. Il ne suffit pas, bien sûr, qu’une population de souche française ait réussi à préserver...

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