Les universités nouvelles: Enjeux et perspectives

Introduction

Introduction Lyse Roy et Yves Gingras Commémorer l’anniversaire de fondation d’une université est toujours le moment de mesurer le chemin parcouru et de mettre en lumière les transformations que l’institution a connues au cours de son existence. Il s’agit d’un moment festif, célébrant la communauté qui l’a vue naître et qui l’a soutenue. On rappelle à la mémoire les héros qui ont œuvré à sa création et on sort de l’ombre ceux oubliés par l’histoire officielle. Depuis sa création au xiii e siècle, l’université se raconte périodiquement et revisite les mythes fondateurs qui la positionnent dans la longue durée, légitimant ainsi sa place dans l’ordre social et politique. Au xiii e siècle, l’universit é était une institution nouvelle, c’est-à-dire une création originale en Occident, mais pour asseoir son prestige et son autorité, elle cultivait des mythes d’origine et faisait remonter sa naissance à un lointain passé. Ainsi, la fondation de l’université de Paris, qui aurait été préfigurée dans la Genèse, serait l’œuvre de l’empereur Charlemagne, Bologne aurait été fondée par l’empereur Théodose, Oxford et Cambridge par le roi Arthur1 . Toutefois, c’est à partir du xvi e siècle que prend forme l’histoire de l’histoire des universités: les universitaires racontent le passé de leurs institutions , examinent leur mode de fonctionnement, transcrivent des chartes et autres documents, mettent au jour des évènements et des personnages marquants . 1. Jacques Verger, «Les universités européennes à la fin du xve siècle», dans Michel Bideaux et Marie-Madeleine Fragonnard (dir.), Les échanges entre les universités européennes à la Renaissance: colloque international organisé par la Société française d’étude du xvie siècle et l’Association Renaissance-HumanismeR éforme, Valence, 15-18 mai 2002, Genève, Droz, 2003, p . 14 . 2 Introduction La commémoration de la fondation d’une université est aujourd’hui une occasion de rencontres scientifiques et de publication d’articles ou d’ouvrages collectifs qui rendent compte de la production de savoir sur l’histoire des universités. Les chercheurs ne doivent certes pas attendre de tels évènements pour s’y intéresser, et en tout temps, comme universitaires, ils devraient aborder de façon réflexive ce domaine de connaissances. D’ailleurs, le champ de l’histoire des universités se développe sans cesse depuis les années 1960 et a gagné toute sa légitimité depuis. Dans l’ensemble de cette production scientifique, un danger réside toutefois dans la tentation d’isoler l’histoire d’une seule institution sans tenir compte du champ universitaire et sans la situer dans un contexte social global . C’est ce que nous avons voulu éviter en soulignant le 40e anniversaire de l’Université du Québec à Montréal, à l’automne 2009, par un colloque sur le thème des Universités Nouvelles au xx e siècle . Cette rencontre scientifique a permis de réunir des spécialistes dans le domaine de l’histoire et de la sociologie des universités provenant de la France, de la Belgique, du Danemark, du Canada et du Québec pour souligner l’évènement par une approche comparative . L’expression «université nouvelle» est relative et son usage montre notamment les transformations que connaissent les universités au cours de leur histoire, toujours en réponse aux attentes de la société. L’expression émerge dans le contexte de l’histoire des universités du RoyaumeUni . Elle désigne d’abord les «red brick universities» nées à partir de 1836, les premières fondations depuis celles d’Oxford et de Cambridge au xiii e siècle2 . Ces nouvelles universités sont créées pour pallier les manques du système traditionnel de l’éducation supérieure, que l’on souhaite dès lors libérée de ses liens avec la religion et l’élitisme et propre à fournir une formation intellectuelle, professionnelle et technique pour servir l’industrie locale3 . Par la suite, l’expression «université nouvelle» est utilisée pour désigner les nombreuses universités créées dans les années 1960, avant et après le dépôt du rapport Robbins sur l’éducation supérieure. Michael Beloff préfère toutefois pour celles-ci l’expression «plateglass universities», qui marque sur le plan architectural comme sur le...