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Identités et territoires de l’Université de Louvain depuis 1968 4 Françoise Hiraux L’Université de Louvain n’est pas nouvelle au sens qu’elle aurait été fondée dans le grand mouvement des créations des années 1960 ou depuis. Cependant, l’événement traumatique de sa division en 1968 en deux institutions respectivement francophone et néerlandophone, tout à la fois élément, emblème et prémisse de la reconfiguration de la Belgique en un État fédéral1 , concourut dans les faits à ce que chacune d’elles, Université catholique de Louvain et Katholieke Universiteit Leuven, se ressentent, se définissent, s’orientent et se promeuvent comme nouvelles. Cette identification ressortit moins à une logique chronologique – les deux universités revendiquant au contraire leur continuité vis-à-vis de la primitive instauration d’une université à Louvain en 1425 – que du besoin de leurs membres de se situer en adéquation avec la modernité globale et d’affirmer leur participation à la vie sociale. Quarante ans plus tard, mues par une pensée façonnée par la compétition mondialisée, les deux universit és conçoivent et déterminent leur devenir dans le cadre européen de la Charte de Bologne et entament une mutation en profondeur de leurs structures et de leur fonctionnement . Le concept de territoire et les usages redevables de plusieurs disciplines auxquels il se prête sont autant d’outils utiles à une analyse de socio-histoire des positions des deux universités de Louvain depuis la fin 1 . À travers quatre réformes successives de la constitution (1970, 1980, 1988-1989, 1993), le pays se réorganisa en un État fédéral comportant trois communautés (flamande, française et germanophone) et trois régions (Flandre, Wallonie, Bruxelles). Les négociations en vue de former le gouvernement fédéral, en cours au moment où j’écris, modifieront peut-être cette configuration. 64 Chapitre 4 des années 1960, de leurs projets et de leurs pratiques et de la réception que leur firent le monde politique, la société civile et, singulièrement, la population étudiante . Les termes Trois considérations s’imposent de prime abord. Le cadre historique, l’explicitation du concept de territoire et l’exposé de la méthode et des sources qui étayent l’analyse. L’histoire L’histoire factuelle compte ici parce que ce sont, bel et bien, des événements qui conduisent à la création de deux nouvelles universités en 1968 . Le retour sur l’ensemble du parcours importe aussi parce que l’histoire servit longtemps de toile de fond imaginaire, et parfois d’argument, à l’université unitaire et aux deux nouvelles institutions qui lui succéd èrent. Remontons donc au plus loin. L’Université de Louvain fut fondée par la bulle Sapientiæ Immacerissibilis du 9 décembre 1425, au terme des démarches menées à Rome par le chapitre de Saint-Pierre et le magistrat de Louvain, avec le soutien du duc Jean V de Brabant . Complétée en 1432 par la décision romaine d’y ériger également une faculté de théologie, Louvain devint l’unique université des Pays-Bas successivement bourguignons , espagnols et autrichiens jusqu’à la fin du xviii e siècle2 . L’annexion des territoires de l’actuelle Belgique par la République française signifia sa dissolution en 1797 . Le Congrès de Vienne détermina que les provinces des anciens Pays-Bas autrichiens et la Principauté de Liège forment avec les Provinces-Unies le royaume des Pays-Bas. En 1816, le nouvel État dota ses provinces méridionales de trois universités, Gand, Liège et Louvain . La Belgique prit son indépendance en 1830 . Sa constitution prévoyait la liberté d’enseignement. Les évêques s’en saisirent pour créer une universit é catholique à Malines en 1834. La loi universitaire du 27 septembre de l’année suivante supprima l’Université de Louvain. Aussitôt s’enclench èrent des négociations qui aboutirent à l’installation solennelle de l’Université catholique de Louvain le 1er décembre 1835 dans les antiques lieux du studium de 1425 . Cette localisation dans une partie des bâtiments de l’ancienne université – nationalisés durant la période française – et une politique de rassemblement du patrimoine ancien contribuèrent au sentiment d’une continuation de fait de l’histoire entamée au xv e siècle . 2. Exception faite de l’Université de Douai, fondée en 1559...

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