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Quelques cultures de bioart sous le microscope CANADA Ernestine DAUBNER Ernestine Daubner, théoricienne et historienne d’art, est spécialiste de l’art moderne et contemporain à la croisée de la science, de la technologie et de la culture; elle poursuit des recherches sur diverses formes d’arts médiatiques . Elle enseigne au Département d’histoire de l’art de l’Université Concordia et elle est professeure associée de l’Université du Québec à Montréal au Centre interuniversitaire en arts médiatiques (CIAM), où elle travaille dans le domaine de l’art contemporain et des biotechnologies . Elle a été coorganisatrice et coanimatrice, avec Louise Poissant, d’un colloque international, «Art & Biotechnologies», au Musée d’art contemporain en 2004 et codirectrice d’un ouvrage, Art et biotechnologies (2005) . Elle est l’auteure de nombreux articles dans le domaine de l’art moderne et contemporain et a participé à des colloques et des congrès internationaux . Les récentes percées biotechnologiques rivalisent avec les progrès remarquables des technologies de télécommunication de ces dernières décennies . Alors qu’on perçoit habituellement avec une attitude techno-utopique la variété de gadgets électroniques à notre disposition, on ressent le plus souvent un sentiment d’incrédulit é et d’appréhension face aux développements récents de la biotechnologie et de ses agissements . Bien entendu, les biotechnologies, contrairement aux technologies de télécommunication, ne nous offrent pas une multitude de nouveaux biens de consommation, mais il faut chercher ailleurs les raisons d’une approche plus mesurée, ou parfois hostile, de ces percées biotechnologiques . En effet, en manipulant et en créant de nouvelles formes de vie, les biologistes remettent en question le concept fondamental, jusqu’alors incontesté, de la nature de la vie elle-même . Souvent et d’une manière des plus sensationnelles, les pratiques du bioart nous confrontent et nous amènent aux limites de nos croyances bien confortables; elles rendent obsol ètes certaines de nos conceptions bien assises de la biologie, de la nature et des principes fondamentaux de «la vie» . Bien qu’on sache que la science et la technologie n’ont jamais été neutres ou libres de toute idéologie, aujourd’hui, on est de plus en plus 2 Bioart au courant que même d’imperceptibles organismes microbiologiques, pour ne pas dire des entités vivantes et semi-vivantes produites dans les laboratoires, nous contraignent à réviser radicalement notre façon de conceptualiser les«matériaux de la vie» . Alors, en plaçant certains œuvres de bioart sous le microscope, on peut y faire quelques observations significatives . Les divers écrits et œuvres du bioart présentés dans ce livre mettent en lumière l’impact énorme que de nombreuses questions éthiques, écologiques, socio-politico-économiques et culturelles auront à l’avenir sur la société . Cependant , je ne mettrais ici l’accent que sur deux grandes tendances du bioart . La première expose certaines mutations dans les modes de pensée binaire qui infiltrent les cultures génétiques et cellulaires . L’autre, qui est résolument politique, est celle par laquelle les bioartistes exposent et déconstruisent les questions et les habitudes problématiques concernant les biotechnologies, en particulier celles qui perpétuent les dualismes hiérarchiques en rapport avec l’eugénisme, le sexe et l’origine ethnique . Bien que différentes, ces deux approches traitent du concept d’un corps-objet neutre et universel formulé au siècle des Lumières . Mutations des discours binaires:«culture génétique» et «culture cellulaire» La culture des gènes est basée sur la science de la transgénèse, opérant au niveau de l’ADN . Une branche de l’art transgénique, selon un de ses principaux partisans, Eduardo Kac, est «une nouvelle forme d’art basée sur la capacit é des techniques de génie génétique de transférer des gènes synthétiques à un organisme1 » . Mais comment peut-on créer un soi-disant «gène synthétique »? Sur ce qui ressemble à des barreaux ou à des lignes reliant la spirale à double hélice de l’ADN se trouvent les paires de bases, ACGT . Ces lettres représentent les quatre nucléotides: adénine, cytosine, guanine et thymine . Par un processus complexe, ces quatre nucléotides ou paires de bases, situés dans un ordre précis sur la double hélice de la molécule d’ADN, produisent...

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