In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

1 POUR UNE APPROCHE SYSTÉMIQUE, ÉCOLOGIQUE ET «TERRITORIALISÉE» Jean-Marc Fontan et Paulo Freire Vieira Nous habitons une biosphère en évolution, un monde régi par la loi de l’entropie , composé d’écosystèmes fragiles et de «ressources» épuisables. Il est désormais évident que la biosphère subit des pressions importantes liées à l’accroissement des moyens d’action de l’homme sur ses écosystèmes et paysages. Cette réalité rend compte d’un faible niveau de conscience et de responsabilité de notre part par rapport à l’ampleur des destructions en cours. Nous agissons comme si les macroproblèmes socioenvironnementaux d’aujourd’hui – pollution, érosion accélérée de la biodiversité (et de la sociodiversité), désertification, désordres climatiques, urbanisation chaotique, exclusion sociale et pauvreté endémiques – ne représentaient qu’une simple turbulence intempestive et temporaire, des maux qui seraient susceptibles de traitements ponctuels à court terme. Une conception figée, étroite et technocratique de la planification du développement et une quête infinie de puissance semblent commander la dynamique«contreproductive» (Illich, 1973) des sociétés contemporaines. Les actions correctrices se sont montrées jusqu’à présent ambiguës, fragmentées et peu capables de rendre compte de la complexité des efforts à déployer pour proposer tant une réduction des inégalités, un contrôle démocratique des risques liés à l’évolution technique que la création de 10฀ Le฀rôle฀de฀l’université฀dans฀le฀développement฀local฀•฀Expériences฀brésiliennes฀et฀québécoises rapports symbiotiques authentiques et durables avec la nature. En outre, les modes de pensée fondés sur une « rationalité indolente» (Santos, 2008) et sur le paradigme «analytico-réductionniste» ou «cartésien» (von Bertalanffy, 1968) sont encore très dominants dans nos institutions, dont les établissements d’enseignement et de recherche. Ces modes de pensée sont loin de nous offrir les meilleurs instruments pour bien comprendre le monde et surtout pour prendre les décisions politiques requises et agir. En réalité, les conceptions courantes contribuent largement à la dégradation généralisée de l’environnement biophysique et humain. Elles valident ou passent sous silence l’aggravation dramatique de la fracture présente entre les riches et les pauvres dans les deux hémisphères. Découpant la complexité du monde en éléments simples, elles n’arrivent pas à rendre compte ni des interactions écosystémiques, ni de leur évolution à long terme. Ici, comme nous rappelle James Lovelock (1993, 2010), le facteur temps est décisif car, pour assurer une gestion effective des menaces qui pèsent actuellement sur la biosphère, il nous faut tenir compte des temps de réponse des écosystèmes, dont certains sont très longs. Les initiatives qui se bornent à un aspect isolé de cette «problématique » complexe ne peuvent conduire à des solutions effectives à long terme. Dans la mesure où les problèmes environnementaux ne se posent pas en matière de spécialisation mono ou pluridisciplinaire, il nous faut un point de vue alternatif, considérant le processus coévolutif «société-nature» sous tous ses aspects. En d’autres termes, le phénomène qui nous occupe relève non pas de la juxtaposition de facteurs disciplinairement isolés, mais de leur interdépendance au sein d’un système global constitué précisément par ces interactions elles-mêmes. Plutôt que de réduire de manière fragment ée les phénomènes complexes à tel ou tel aspect, l’approche systémique s’efforce au contraire de les considérer dans leur intégralité et dans leur contextualité. Du point de vue analytique et idéologique, l’enjeu est donc de réunifier les dimensions biologiques et socioculturelles par le biais d’une prise de conscience engagée du rôle des interactions écosystémiques. À notre avis, la systémique (von Bertalanffy, 1968; Buckley, 1968; Händle et Jensen, 1974; Rosnay, 1975; Durand, 1979; Passet, 1979; Laszlo, 1981; Vester, 1983; Barel, 1970 et 1989; Le Moigne, 1984; Lapierre, 1992; Morin et Le Moigne, 2000) peut nous aider à mieux comprendre les mutations, les dangers et les incertitudes de notre temps et à mieux y faire face. Au cours des dernières décennies,une synthèse de niveau supérieur a été accomplie par les sciences de la complexité, regroupant ce qu’on appelle aujourd’hui la «théorie de l’auto-organisation» (Morin et Piattelli-Palmarini...

Share