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Chapitre 14 La rue radieuse Imaginaires collectifs et gestion de l’urbanité en marge Michel Parazelli et Charles Robitaille Àl’instar de plusieurs autres grandes villes dans le monde, Montréal cherche à développer son économie en se positionnant comme une ville globale face aux marchés économiques internationaux. Pour occuper et maintenir cette position, les responsables politiques et le monde des affaires mettent en avant la nécessité de rénover l’environnement urbain du centreville de Montréal. Il s’agit pour eux de rendre visibles les atouts spécifiques de la ville qui pourraient faire l’objet d’un segment de marché inédit et qui susciterait les désirs de consommation tout en produisant des occasions d’affaires. Toutefois, ce processus de revitalisation se heurte à toute une série d’obstacles, dont ceux qui sont associés à la présence des personnes marginalisées qui vivent de la rue, surtout au centre-ville-est. Le problème 288 L’imaginaire géographique réside dans le fait que les promoteurs de cette revitalisation cherchent notamment à mettre en valeur la culture du divertissement et de la fête en fonction de l’aménagement de ce qu’ils ont appelé le «Quartier des spectacles1 » sur le territoire même que fréquentent depuis plusieurs années les itinérants et les jeunes de la rue. C’est-à-dire ces populations marginalis ées qui, depuis une dizaine d’années surtout, sont l’objet de pratiques systématiques de répression et de discrimination visant à les chasser de ces lieux à revitaliser en raison de l’image d’échec social ou de décadence urbaine qu’ils semblent y projeter. Cela étant, nous nous demandons jusqu’où une société, dite démocratique, peut aller pour faire avancer son économie urbaine. Plus précisément, comment les autorités publiques et les promoteurs de ces projets de revitalisation arrivent-ils à justifier sur le plan normatif leurs mesures de répression des sans-abri? Afin de répondre à ces questions, nous avons choisi d’explorer les représentations sociospatiales traversant le discours des acteurs (citoyens, élus municipaux, gestionnaires, commerçants, chercheurs, avocats, intervenants sociaux, policiers, etc.) tels qu’ils s’expriment dans les principaux médias écrits montréalais francophones (La Presse et Le Devoir) sur la position des sans-abri dans les lieux publics. Nous chercherons ainsi à prendre en compte les processus d’appréhension de l’espace à l’œuvre de façon à dégager les imaginaires géographiques collectifs qui structurent leurs discours respectifs, et ainsi mieux comprendre les repères normatifs pouvant guider la conduite de ces acteurs. Notre étude vise ainsi à explorer une structure de représentations sociospatiales qui légitimeraient certaines pratiques de discrimination et de répression envers les populations marginalis ées (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse , 2009). Tout cela afin de parvenir à cerner les processus et les valeurs grâce auxquels on peut justifier pareilles pratiques de disqualification des sans-abri. Comme notre réflexion est toujours en cours, nous présenterons, dans le cadre de ce texte, les résultats qui concernent un seul des trois imaginaires que nous avons dégagés, soit l’imaginaire écosanitaire. Outre ce complexe de représentations propres à un imaginaire écosanitaire, nous avons aussi repéré d’autres représentations sociospatiales dont les imaginaires se distinguent nettement de celui-ci. Du lot, signalons deux autres imaginaires concurrents qui seraient caractérisés par des représentations évoquant des rapports «égalitaires»: droit à l’espace public, d’une part, 1. Le Quartier des spectacles couvre un territoire d’environ un kilomètre carré. Il est borné par les rues Sherbrooke au nord, Berri à l’est, City Councillors à l’ouest et le boulevard René-Lévesque au sud. Voir le site du partenariat du Quartier des spectacles: . [3.17.6.75] Project MUSE (2024-04-26 15:53 GMT) La rue radieuse 289 et, d’autre part, un imaginaire que nous qualifierions de «salutaire» (agir pour le bien des sans-abri). Soit autant d’imaginaires tout aussi structurants sur lesquels nous développerons ultérieurement. Après avoir présenté le contexte sociopolitique de l’objet d’étude, nous ferons le point sur quelques définitions autour de concepts clés de notre démarche, tels que ceux­ d’imaginaire (collectif, géographique), de représentation sociospatiale, de représentation topologique, de saillance et de prégnance. Une fois ces clarifications faites...

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