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C h apitr e 2 Ancrages théoriques entre l’intersectionnalité et les pratiques narratives en travail social1 Elizabeth Harper Depuis la dernière décennie, au Québec comme ailleurs et particulièrement dans les milieux féministes, de plus en plus de chercheurs et d’intervenants s’inspirent des approches intersectionnelles pour examiner, comprendre et agir sur les problématiques et les inégalités vécues par les femmes. Pensons ici à la violence conjugale vécue par les femmes autochtones et immigrantes, à l’accès aux services de santé, à la santé et à la justice reproductive, au VIH/sida et ainsi de suite. Cet intérêt pour l’intersectionnalit é s’explique principalement par le fait que les modèles théoriques traditionnels du féminisme utilisés pour appréhender les expériences des femmes proposent des explications partielles et incomplètes (Corbeil et Marchand, 2007; Oxman-Martinez et Loiselle-Léonard, 2004). L’usage quotidien et répétitif de ces modèles contribuait et contribue encore à la 1. Une autre version de l’objet de ce chapitre sera publiée en 2013 dans un ouvrage de la collection «Problèmes sociaux et interventions sociales»: Violence envers les femmes: réalités complexes et nouveaux enjeux dans un monde en transformation. Dans la version présentée ici, une mise à jour de la littérature a été faite et certaines idées issues des écrits portant sur le travail social ont été intégrées. 48 Le travail social production et à la reproduction de narratifs sociaux dominants2 à propos des expériences des femmes tout en occultant les diverses réalités de plusieurs pour qui le vécu est aggravé par la position sociale qu’elles occupent. Toutefois, l’ambiguïté demeure sur la manière dont l’inter­ sectionnalité peut s’appliquer en intervention. Il est également possible de constater l’augmentation des usages de l’intersectionnalité comme cadre prometteur dans différents domaines de recherche et d’intervention comme la médecine, les études juridiques, les Cultural Studies, les études LGBT ou la psychologie. En travail social, jusqu’à maintenant, l’intersectionnalité et son potentiel pour consolider et renouveler les pratiques de recherche, d’intervention et de théorisation autour des inégalités sociales ont été peu explorés, même si on peut rattacher les débuts de la généalogie de la pensée intersectionnelle à la fin du xixe et au début du xxe siècle au mouvement des settlement houses dans les communautés africaines-américaines. Ce chapitre examine la possibilité de construire un modèle d’intervention en travail social réunissant certains aspects de l’intersectionnalité avec les approches narratives déjà utilisées en travail social. Tout au long du texte, pour illustrer les usages de l’intersectionnalité, on fera référence à la problématique de violence conjugale et à l’intervention auprès des femmes immigrantes. En guise d’introduction, le texte propose un examen de l’évolution historique des bases théoriques et des fondements de l’intersectionnalité. L’objectif reste ici de présenter au lecteur certaines idées et notions qui sont pertinentes à une intervention basée sur une approche narrative en travail social. Partant de là, le texte explore les manières dont les narratifs dominants au sujet de la race, l’ethnicité, la religion et le genre sont entrelacés de narratifs sociaux sur les problèmes sociaux et les personnes qui les vivent et comment l’ensemble de ces narratifs s’intègre aux politiques sociales et aux pratiques d’inter­ vention. Par la suite, on y analyse le potentiel de renouvellement des pratiques d’intervention en travail social, surtout avec les femmes immigrantes , par l’usage d’approches narratives3 qui s’appuient sur une vision 2. Dans ce texte, les termes narratifs dominants et narratifs sociaux sont utilisés de façon interchangeable. Ils font référence aux théories et aux histoires qui émergent en intervention, en recherche et dans le cadre des mouvements sociaux à propos des phénomènes sociaux et des catégories identitaires. Par la suite, le public en général, les décideurs, les intervenants en sont venus à accepter ces récits comme base d’une connaissance commune. Cet usage s’inspire des écrits de Lyotard (1979), White et Epston (2003), Anthias (2005) et finalement Loseke (2007). 3. Les approches narratives en travail social englobent différentes méthodologies d...

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