L'agression sexuelle envers les enfants - Tome 2

Chapitre 4 - Agression sexuelle et comportements sexuels à risque à l'adolescence

4 c h a P i t r e agressIon sexuelle eT comporTemenTs sexuels à rIsque à l’aDolescence Mylène Fernet, Ph.D. Martine Hébert, Ph.D. Sophie gaSCon, M.A. et Céline LaCeLLe, M.A. RÉSUMÉ De nombreuses conséquences ont été associées à l’agression sexuelle vécue à l’enfance dont celles pouvant avoir un impact, à plus long terme, sur la santé sexuelle des victimes. Dans ce chapitre, nous traiterons du lien entre l’agression sexuelle à l’enfance et l’adoption de comportements sexuels à risque à l’ado­ lescence. En premier lieu, nous présenterons deux cadres conceptuels qui visent à expliquer les liens entre l’agression sexuelle et les comportements sexuels à risque. Par la suite, nous proposerons une recension des études ayant exploré les liens entre l’agression sexuelle et différents indicateurs liés à la santé 132 L’agression sexuelle envers les enfants sexuelle chez les adolescents. Après avoir relevé les limites des études actuelles et émis des recommandations pour la conduite des recherches futures, nous discuterons des implications sur le plan de l’intervention auprès des jeunes. 1. conséQuences de l’agression sexuelle à l’enfance sur la sexualité Divers modèles conceptuels ont été proposés afin d’expliquer les conséquences associées à l’agression sexuelle (AS) (Alexander, 1992; BarkerCollo , & Read, 2003; Briere, 1992; Finkelhor, & Browne, 1985; Freeman, & Morris, 2001; Hulme, 2004; Polusny, & Follette, 1995; Spaccarelli, 1994). Certains d’entre eux font état des mécanismes liant l’agression sexuelle aux comportements sexuels à risque. Ainsi, la théorie des dynamiques traumagéniques (Finkelhor, & Browne, 1985) et la théorie de la réduction de la tension (Briere, 1992) offrent deux cadres conceptuels particulièrement pertinents pour mieux comprendre l’impact de l’agression sexuelle à l’enfance sur les comportements sexuels à risque à l’adolescence (Banyard, & Williams, 1996; Senn, Carey, & Vanable, 2008). La théorie des dynamiques traumagéniques de Finkelhor et Browne (1985) considère quatre processus par lesquels l’expérience d’agression sexuelle altère la perception d’une personne, soit la sexualisation traumatique , la trahison, l’impuissance et la stigmatisation. Chacune des dynamiques peut être liée à des symptômes particuliers. La dynamique de la sexualisation traumatique renvoie au processus par lequel la sexualité d’un enfant de même que les sentiments et attitudes qui y sont associés se façonnent de manière inappropriée compte tenu de son niveau de développement psychosexuel. L’enfant vit une telle dynamique lorsque, par exemple, il reçoit une forme de «récompense» ou encore de l’affection en retour d’activités sexuelles. Il peut ainsi devenir confus à propos des normes sexuelles et être amené ultérieurement à sexualiser les relations en confondant sexualité et amour (Finkelhor, 1987). Senn et ses collègues (2008) soutiennent que les personnes ayant été victimes d’une agression sexuelle pendant l’enfance peuvent en venir à concevoir les relations sexuelles comme étant nécessaires pour obtenir de l’affection et à s’engager, en retour, dans des activités sexuelles avec des partenaires multiples ou à Agression sexuelle et comportements sexuels à risque à l’adolescence 133 adopter des comportements à risque avec leur partenaire. Ainsi, les victimes d’agression sexuelle peuvent soit éviter les relations sexuelles en raison des associations négatives y étant accolées, soit avoir tendance à s’engager dans des comportements sexuels à risque (p. ex., avoir des partenaires multiples) dans une tentative de consolider leur estime de soi ou parce qu’elles ont fait une association entre les relations sexuelles et l’obtention d’affection et d’attention (Lemieux, & Byers, 2008). En outre, à l’égard de l’adulte de confiance qui l’a agressé et lui a causé du tort ou encore qui n’a pas été en mesure de le protéger contre l’agression sexuelle, l’enfant peut entretenir des sentiments de trahison. Ces sentiments peuvent amener la personne à avoir de la difficulté à faire confiance dans le contexte des relations interpersonnelles et à développer des relations intimes de courte durée avec une succession de partenaires (Senn, & Carey, 2010). Le sentiment d’impuissance impliqué ou l’impression de ne pas avoir le contrôle de la situation lors d’une agression sexuelle vécue pendant l’enfance peut amener la personne à avoir ultérieurement des difficultés à refuser certaines avances sexuelles ou encore la porter à s’engager dans des activités sexuelles non protégées (Senn, & Carey, 2010). Plusieurs des processus des dynamiques...