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CONCLUSION Yves Boisvert Professeur titulaire à l’École nationale d’administration publique On ne saurait amorcer cette conclusion sans parler de la distinction majeure que l’on doit faire entre l’approche normative de l’OCDE, qui s’apparente au travail que font les spécialistes de l’éthique appliquée, et le travail d’opérationnalisation fait par les instances gouvernementales qui demeurent ancrées dans une logique purement stratégique de la lutte pour le pouvoir. Dans un premier temps, on doit préciser que l’OCDE a effectivement imposé, avec sa proposition d’une infrastructure de l’éthique dans le service public, un certain standard de légitimation dans le domaine de l’éthique gouvernementale. Elle a aussi, de ce fait, imposé le mouvement d’institutionnalisation plutôt favorable au développement des dispositifs structurels, plutôt qu’un travail en profondeur sur la culture du service public. Certains de ces dispositifs ont été par la suite repris par les instances gouvernementales afin de tenter de baliser et, si possible, d’éliminer les «comportements indésirables» ou pour encourager «la bonne conduite» des agents publics. L’objectif ultime de ces démarches était la reconquête de la confiance des citoyens envers les agents et les institutions publiques qui forgent l’État. 196 L’institutionnalisation de l’éthique gouvernementale Si la démarche proposée par l’OCDE tout au long de la dernière moitié de la décennie 1990 a eu le mérite de mettre le sujet de l’éthique à l’agenda politique des pays membres, on a cependant pu constater dans nos différentes analyses que cette approche a malheureusement souvent été instrumentalisée par les gouvernements. Ces derniers se sont souvent limités à lancer, sans grande conviction, des démarches en éthique gouvernementale afin de contrer les récriminations qu’on leur adressait. On comprendra qu’en éthique appliquée, de telles démarches stratégico-communicationnelles ne peuvent pas être consid érées comme très significatives. D’où les reproches faits à l’endroit des gouvernements concernant la construction d’une «éthique de vitrine» qui ne se limite qu’à faire du marketing social et de la gestion de l’image corporative. On a pu constater à travers nos différents chapitres à quel point ce type d’infrastructure «fantoche» se limite à multiplier la création de petits dispositifs (code, conseiller, ligne éthique) à qui l’on attribue soit des mandats trop larges et imprécis ou, au contraire, trop étroits. Peu importe, dans les deux cas, le résultat est le même: on crée des dispositifs qui sont condamnés dès le départ à être inefficaces. La plupart du temps, les responsables de ces services spécialisés seront laissés à eux-mêmes, sans les budgets nécessaires pour engager tout le personnel requis pour permettre à ces dispositifs d’honorer leur mission. Ces structures n’auront donc qu’une existence de façade, puisque leur seule véritable fonction est de créer de la diversion: ce sont de purs instruments politiques utilisés pour gérer l’opinion publique. Lorsque l’on regarde les différents scandales qui ont marqué l’univers politico-administratif des dernières décennies, au Canada, au Québec et à Montréal, on peut se dire que les standards éthiques de l’OCDE n’ont pas réussi à créer la synergie nécessaire pour convaincre les élus de l’importance de travailler sur le développement de la compétence éthique. Après avoir vu les Jean Chrétien, Jean Charest et Gérald Tremblay banaliser, nier et rejeter toutes les critiques concernant les dérapages importants qu’ont connus leur gouvernement en matière d’inconduites éthiques; lorsque l’on voit ensuite les comportements des Chuck Guité (scandale des commandites), Marc Lefrançois (scandale des commandites), Lise Thibault (scandale de la lieutenante-gouverneure), Sylvain Toutant et ses bras droits (scandale des prix à la SAQ), Martial Fillion (scandale de la SHDM), Frank Zampino (scandale des compteurs d’eau), etc., on est plutôt tenté de parler d’une régression significative de la place de l’éthique dans la culture politico-administrative de nos agents publics. Si l’indicateur du progrès de l’éthique gouvernementale devait, selon les spécialistes [52.14.240.178] Project MUSE (2024-04-25 21:59 GMT) Conclusion 197 de l’éthique appliquée, être l’avancement de la compétence éthique dans la culture du service public...

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