Penser le dialogue en éducation éthique

Le dialogue et l’éducation au pluralisme

le dialogue et l’éducation au pluralisme geoRges leRoux Professeur émérite département de philosophie université du québec à montréal Tous les penseurs de l’éducation d’aujourd’hui, d’Amy Guttmann à François Galichet, s’entendent pour reconnaître l’importance du dialogue et chacun tente, au sein d’approches compréhensives variées, de montrer comment le dépassement de la pédagogie autoritaire ou monologique est la condition d’entrée dans un monde régi d’abord par sa diversité. Amy Guttmann, pour ne citer qu’elle, n’a cessé de relier les enjeux de citoyenneté à l’apprentissage par le dialogue des vertus de la démocratie, comme la tolérance et le respect, le décentrement et le souci du bien commun. Au Québec, l’implantation du programme d’Éthique et culture religieuse est l’occasion de réfléchir sur la place du dialogue dans l’éducation au pluralisme . Promu au rang d’une compétence de plein titre dans le programme, le dialogue acquiert de ce fait non seulement une position instrumentale ou stratégique, mais le statut d’une finalité poursuivie pour elle-même: il devient un but indissociable de l’éducation des jeunes dans les sociétés 1 – Penser le dialogue en éducation éthique démocratiques. Mais ce programme n’est pas isolé: il appartient au vaste ensemble de la formation, où la configuration d’une nouvelle ère dialogique dans l’éducation se dessine sous nos yeux, l’ensemble du dispositif pédagogique se transformant sous la poussée de nouvelles exigences. Dans cette situation de transformation, situation soutenue par la mise en place du Programme de formation de l’école québécoise dans un cadre de renouveau, les enseignants sont pleins d’espoir; ils connaissent leur responsabilité et sont prêts à l’assumer. Leur position n’est pas claire pour autant, chacun découvrant pour soi-même les exigences d’une approche qui déstabilise les hégémonies qui prévalaient auparavant et qui pose de nouvelles normes. Parmi ces normes, la neutralité apparaît comme une demande à la fois nécessaire et complexe: est-il possible d’y satisfaire sans une réflexion préliminaire sur le dialogue lui-même? Comme le dit Pascal Solignac, quel rôle, parmi ceux qui sont disponibles dans une relation aussi asymétrique que celle de l’enseignement, l’enseignant voudra-t-il choisir? Arbitre, guide, initiateur? La réponse dépend à la fois de la conception du dialogue et de l’interprétation des finalités profondes des programmes . Le programme d’Éthique et culture religieuse est certes celui où ces finalités sont les plus explicites, dans la mesure où il promeut la reconnaissance de l’autre et la poursuite du bien commun, mais il n’est pas le seul: tous les programmes sont engagés désormais dans une voie dialogique, tributaire d’une pensée de la communauté de recherche instituée dans la classe. Aucune question ne paraît donc plus urgente que celle du dialogue, aucune ne mobilise autant d’aspects critiques dans la situation actuelle de l’éducation au Québec. Les études rassemblées dans le présent ouvrage entreprennent, chacune à leur manière, de réfléchir sur toutes ces questions , l’ensemble présentant une variété de perspectives qui ne sont pas cantonnées dans un seul paradigme de recherche. Toutes les approches actuellement discutées sont présentes, et chacune est explorée sur l’horizon de sa contribution possible à l’évolution d’une pédagogie réformatrice au Québec. Contre un conservatisme que nous voyons se reconfigurer partout et qui témoigne d’une réaction crispée à l’éducation démocratique, en invoquant l’autorité des grands modèles ou l’encyclopédisme de la Renaissance, le recours à ces approches dialogiques demeure le seul chemin possible. J’ai eu le privilège d’être membre du comité conseil de la commission Bouchard-Taylor et j’ai pu observer, comme plusieurs, au cours des nombreux forums de la Commission, que notre société montre beaucoup d’ouverture devant la croissance du pluralisme, autant sur le plan moral que religieux. Le pluralisme aujourd’hui n’est pas seulement le résultat Partie 4 w l’ecR et la compétence dialogique – 1 d’une différenciation culturelle exposée...