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CHAPITRE 2 La métropolisation et la richesse des villes L’énigme métropolitaine montréalaise Christel Alvergne Université de Bordeaux III Daniel Latouche INRS – Urbanisation, Culture et Société Ce chapitre se divise en trois parties. La première présente des consid érations d’ensemble sur une nouvelle industrie, celle du classement des villes. La deuxième dresse un portrait contrasté de la situation économique de la métropole montréalaise. La troisième section sugg ère de chercher l’explication de la piètre performance de l’économie montréalaise du côté du processus de métropolisation et de ne pas trop s’attarder sur les signes extérieurs – et ils sont nombreux – d’une renaissance métropolitaine qui risque d’être sans lendemain. 1. LA MONTÉE DE LA CITY ACADEMY Un genre littéraire particulier est apparu depuis quelque temps, celui de l’évaluation et du classement des grandes villes de la planète. La littérature dont il est ici question n’est pas celle où les villes sont comparées, à deux ou à plusieurs – le couple Londres – New York revient ici très souvent – (Fainstein, 1992; 2001; Abu-Lughod, 2000). Il s’agit plutôt d’une littérature que l’on dit grise, produite dans les think tanks, les ministères et les firmes de consultants, où l’on n’a de cesse de se pencher sur la santé des villes afin de déterminer si le sujet ausculté est une ville «qui gagne», une ville vivable ou une ville créative. À la rigueur, on parlera d’une littérature empruntant aux méthodes de la «critérologie positive», selon la merveilleuse 24 La métropolisation et ses territoires expression de Claude Lacour (1998), une nouvelle discipline qui s’est donné pour mission de distinguer les villes globales des villes mondiales , les mégalopoles des métapoles, les villes internationales de toutes les autres. 1.1. De la difficulté de faire des listes Nous sommes ici dans l’univers des palmarès, une sorte de City Academy où chacun épie son voisin – on appelle cela de l’intelligence stratégique –, pour s’inspirer des recettes qui y ont cours – les fameuses best practices – en espérant améliorer son score dans l’une ou l’autre des disciplines (les villes les plus durables, les plus branchées, les plus sécuritaires, les plus tolérantes, etc.) de ces nouvelles olympiades urbaines. Même s’il est entendu que cette course au classement n’a guère de retombées sur la localisation des entreprises, le bien-être des populations et même les cotes de crédit, on continue de les produire sans doute pour le simple plaisir de le faire, une façon aussi de mettre de l’ordre dans un monde de villes pas toujours facile à appréhender. Tous ces classements font les beaux jours des méthodologues. Quel meilleur moyen d’enseigner à des étudiants déjà si peu réceptifs qu’il faut se méfier des statistiques et des comparaisons. Quel réservoir d’exemples sur tout ce qu’il faut faire et surtout ne pas faire lorsque l’on compare des pommes et des oranges. Mais on trouve aussi dans ces classements amplement de sujets de réflexion: sur notre prétention à tout évaluer, les villes, leurs stratégies, sur notre obsession de la course. À quand alors les slow cities? C’est qu’en matière d’analyse ou de comparaison des économies sous-nationales, la tâche n’est pas facile et ces nombreux classements, pour peu qu’on les examine de près, sont là pour nous le rappeler1. Qu’il s’agisse de pôles, de quartiers, de villes ou de régions, il est loin d’être certain que les réalités de ces entités ont une autre existence que celle d’un simple découpage statistique sans grande valeur opérationnelle . Si, comme on le suppose, l’économie nationale représente plus que la somme des parties qui la composent, de quoi parle-t-on au juste lorsque précisément on discute de l’économie de l’une de ces parties? Qu’a-t-elle en moins que la somme totale? Se pourrait-il que l’inverse soit également vrai, à savoir que la somme des parties 1. Les mots «territoire» et «territorial» ont l’avantage d’être moins hiérarchiques et militaires («sous-officiers», «sous-traitants...

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