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CHAPITRE 10 Régimes d’images et quartier L’idéal métropolitain et le sentiment de perte Gilles Sénécal INRS – Urbanisation, Culture et Société Nous proposons dans ce chapitre une approche des régimes d’images inspirée de Gilbert Durand (1969). Par le recours à une lecture anthropologique des images fondamentales organisées en archétypes, le but est de révéler la structure des images du quartier alors que se profilent un idéal métropolitain, porteur de l’hypermobilité des personnes , et son contraire, soit le renouvellement des ancrages et des identités de quartier. En référence à Gilbert Durand, ce sont des structures antagoniques telles que les oppositions patrimonialité/modernit é, frontières/ouvertures ou mobilité/fixité qui sont investies. Ce faisant, on s’attache à l’idée que la fonction de l’image est de résoudre de telles oppositions vécues localement. Deux situations observées à Montréal seront abordées. Elles renvoient à de projets urbains qui, par-delà les critiques soulevées, mettaient en opposition une sorte d’idéal métropolitain et un sentiment de crise ou de perte d’où émanaient des références aux anciens quartiers populaires et ouvriers. 1. RÉGIMES D’IMAGES ET ÉTATS DES QUARTIERS Image et imaginaire font désormais partie des termes de référence de la géographie sociale (Lussault, 2004). Les images sont considérées à un premier degré comme des documents à soumettre à l’analyse, que leur contenu soit narratif ou iconographique. À un second degré, elles sont comprises comme des révélateurs culturels, voire comme 196 La métropolisation et ses territoires des traces visibles d’un imaginaire social toujours difficile à définir. Leur utilisation s’appuie sur le postulat selon lequel la représentation des lieux ou des paysages fournirait des matériaux pertinents pour l’étude des formes d’habiter et des modes d’action. On reconnaît de telle sorte que les images synthétisent la compréhension qu’un individu ou une collectivité se fait du monde qui l’entoure, tout en étant un instrument d’énonciation du rapport avec ce même monde (ibid.). En cela, elles participent à structurer des récits, ce que Paul Ricoeur (1983) définit par le procédé de mise en intrigue, dont la finalité est de construire des liens logiques, d’agencer des faits, d’expliquer des péripéties du passé et d’énoncer une fin à toute situation qui pèse sur un lieu précis ou sur des habitants de ce même lieu (Ricoeur, 1983, p. 66-67; Sohet, 2007, p. 21). L’image est aussi comprise en géographie, par exemple, comme le produit du processus de différenciation spatiale, que Gregory (1993) et Harvey (1990) nomment l’imagination géographique, qui rend compte du sens du lieu et des pratiques de la vie sociale. Dans le cas des espaces urbains, l’imagibilité du lieu, pour reprendre la notion de Kevin Lynch (1961), témoigne de la compréhension que chacun se fait des éléments constituants d’une configuration particulière de l’espace. Les images de la ville contiennent d’autres dimensions que celles de la représentation des lieux qui, dans l’esprit de Lynch, renvoient aux domaines du vécu et de la perception. La dimension narrative se constitue, par ailleurs, sur un mode d’énonciation engagé en faveur de l’action. Sans recourir à son iconologie, on retient d’un auteur comme Panofski (1969) que les images renvoient à un tissu de significations qui assure une médiation entre les aspects sensibles de la représentation du monde matériel et les concepts ainsi que les définitions qui leur donnent un sens commun. Devant l’abondance des approches des images et de l’imaginaire, il est proposé ici de s’inspirer des courants structuralistes de l’anthropologie et de la philosophie développés particulièrement par Claude Lévi-Strauss (1962) et Gilbert Durand (1962; 1969). Notre démarche est d’aborder les représentations produites dans l’action, à travers les dilemmes que posent les projets urbains face au changement, en les interprétant à la lumière des problèmes et des débats sociaux qu’ils suscitent. L’image du quartier, pour prendre cet exemple qui nous intéresse, se forme sur une narration historique, sous des modes interprétatifs et prescriptifs. Dans cet esprit, l’image est d’abord une...

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