In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Communautés territoriales et insertion socio-économique en milieu urbain Richard Morin Introduction Le phénomène d’exclusion socio-économique qui a pris de l’importance au cours de la dernière décennie dans les sociétés dites industrielles ou postindustrielles ne touche pas que des régions périphériques, mais sévit particulièrement dans plusieurs zones métropolitaines, au cœur des villes centrales. Dans un contexte de mondialisation de la production et des marchés, de nouvelle division internationale du travail, de redéfinition des économies nationales, les zones métropolitaines arrivent certes à tirer leur épingle du jeu : les nouvelles entreprises à fort contenu technologique et les services à la production s’y multiplient, bénéficiant des activités de recherche et de formation de même que du réseau de communication et d’information qui y sont concentrés. Cependant, cela ne correspond qu’à une facette des mutations économiques que connaissent ces zones. En effet, ces mutations comportent un autre aspect : le déclin des secteurs industriels traditionnels, pourvoyeurs de nombreux emplois requérant peu de qualification, et l’importance accrue des services aux personnes et des activités de bureau routinières qui fournissent des emplois peu rémunérés et souvent précaires. De plus, il importe de noter qu’il n’y a pas nécessairement transfert de main-d’œuvre entre les secteurs manufacturiers en déclin et ces activités tertiaires de bas niveau. On assiste donc dans les zones métropolitaines à une polarisation du marché du travail : d’un côté, des emplois hautement qualifiés, bien payés et relativement stables ; de l’autre côté, des emplois peu qualifiés, faiblement rémunérés et fragiles. Cette dualisation socio-économique s’accompagne d’une dualisation 248 Contre l’exclusion : repenser l’économie spatiale. En effet, les nouvelles entreprises à fort contenu technologique ont tendance à se localiser dans la couronne suburbaine, suivies des services aux personnes, des emplois de bureau routiniers et, dans certains cas, des services supérieurs. Les villes centrales où se sont établis les secteurs industriels traditionnels perdent ainsi des emplois sans que ces derniers soient nécessairement remplacés par d’autres. De plus, elles continuent d’accueillir des populations qui ne trouvent pas facilement leur place dans un marché du travail en mutation : nouveaux immigrés, jeunes adultes, femmes chefs de famille monoparentale, ouvriers licenciés peu scolarisés, etc. Les villes centrales connaissent alors des taux élevés de chômage et de pauvreté (voir Siino, 1994, pour des exemples américains et européens). Une portion non négligeable de leurs citoyennes et citoyens se retrouvent donc à la marge des sphères de production et de consommation. La ville de Montréal n’échappe pas à ce processus de dualisation sociospatiale à l’échelle métropolitaine, lequel se traduit, sur son territoire, par un important phénomène d’exclusion socio-économique. En 1991, alors que le taux de chômage, selon Statistique Canada, se chiffre à 12,1 % dans l’ensemble du Québec et glisse à 11,7 % dans la région métropolitaine de Montréal, ce taux s’élève à 14,6 % dans la ville de Montréal et à plus de 20 % dans plusieurs quartiers. Et, toujours en 1991, alors que 22 % de la population de la région métropolitaine de Montréal se situe sous le seuil de pauvreté calculé par Statistique Canada, cette proportion grimpe à 33,3 % dans la ville de Montréal et dépasse 40 % dans plusieurs quartiers (Côté, 1994 ; Morin et al., 1994). Pour contrer cette marginalisation socio-économique qui affecte de plus en plus de résidentes et résidents et qui déborde largement les vieux quartiers adjacents au centreville , et face aux limites des politiques traditionnelles de relance économique et d’assistance sociale, une approche différente du développement est expérimentée à Montréal depuis le milieu des années 1980. Il s’agit du développement économique local et communautaire (DELC) qui recouvre un ensemble de stratégies visant la revitalisation sociale et économique de communautés appauvries vivant sur des territoires en déclin, en misant sur la mobilisation et la valorisation des ressources locales. L’objectif central consiste à favoriser l’insertion ou la réinsertion socio-économique de populations exclues du marché du travail en faisant des communautés territoriales l’assise de pratiques de développement. C’est sur des corporations...

Share