In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

La gestion privée des services sociaux en France : production déguisée ou partenariat innovant ? Édith Archambault Introduction Un réexamen profond du rôle de l’État est en cours dans la plupart des pays industrialisés. En France, comme ailleurs, les limites de l’État-providence ont été soulignées par des auteurs appartenant à différents courants de pensée (Rosanvallon, 1981 ; Crozier, 1987 ; Millon-Delsol, 1992). Simultanément, les lois de décentralisation (1982-1983) provoquaient une remise en cause majeure des rôles respectifs de l’État, de la sécurité sociale et des collectivités territoriales en matière de services sanitaires et sociaux, mais aussi dans les domaines de la culture et de l’éducation, comme dans les politiques de l’emploi ou du développement local. Depuis 1974, le ralentissement de la croissance et la montée du chômage ont provoqué l’effet de ciseau — baisse ou décélération des cotisations et croissance rapide des prestations — qui sont à l’origine de la crise financière du système de protection sociale. Simultanément, la légitimité de l’État-providence a été mise en question : perte d’initiative et désincitation au travail de ceux qui ne vivent que de prestations sociales, croissance d’une bureaucratie inefficace et balkanisation des politiques sociales en fonction de leur ministère d’origine, inadéquation de règles trop générales pour des cas particuliers de plus en plus complexes, et lenteur des services administratifs à satisfaire les nouveaux besoins sociaux ou à faire face aux nouvelles formes de pauvreté, telles sont les principales critiques adressées à l’État-providence. La décentralisation, qui va à l’encontre d’un millénaire de tradition centralisatrice en France, n’a pas encore eu le temps de produire tous ses effets, qui 188 Contre l’exclusion : repenser l’économie se renforceront au fur et à mesure de l’intégration dans une union européenne dominée par le modèle décentralisé. Elle n’a pas eu le temps non plus de substituer le principe de subsidiarité au réflexe jacobin dans les mentalités communes. En dix ans néanmoins, elle a rapproché les pouvoirs publics du citoyen plus rapidement que prévu ; les collectivités territoriales, qui ont vu croître à la fois leurs nouvelles responsabilités et leurs nouvelles ressources, ont recherché des partenaires privés pour sous-traiter de nombreux services : dans les domaines sanitaire, social, culturel ou éducatif, ce sont les organisations non lucratives, associations, fondations ou mutuelles, qui ont été leurs partenaires privilégiés, alors qu’elles ont eu recours à des entreprises publiques ou privées pour développer leurs services d’infrastructure et leurs activités principalement économiques. Tableau 1 Le secteur sans but lucratif en France dans une perspective comparative 1. Les sept pays sont l’Allemagne, les États-Unis, la France, la Hongrie, le Japon, l’Italie, le Royaume-Uni. Il s’agit d’une moyenne non pondérée. 2. Syndicats inclus. Source : Lester, Salamon et Anheier (1994). France Moyenne des 7 pays EMPLOI en équivalent temps plein Pourcentage dans l’emploi total DÉPENSES COURANTES (en milliards) 802 619 4,2 % 31,3 ÉCU 39,9 $ ÉU 3,4 % Pourcentage dans le PNB RÉPARTITION PAR DOMAINE (%) Culture et loisirs Education et recherche Santé Services sociaux Environnement Logement et développement local Associations civiques et de défense des droits Fondations Activités internationales Associations professionnelles2 TOTAL 3,3 17,8 24,8 14,5 28,9 0,7 6,4 2,9 0,0 1,1 2,9 100,0 % 3,5 16,5 24,0 21,6 19,6 0,8 5,0 1,2 0,5 1,2 9,2 100,0 % ORIGINE DES RESSOURCES (% du total) Ressources publiques Dons privés Cotisations, droits, ventes et autres 59,5 7,1 33,5 43,1 9,5 47,4 Ressources propres TOTAL 100,0 % 100,0 % [18.189.14.219] Project MUSE (2024-04-26 15:17 GMT) La gestion privée des services sociaux en France 189 C’est à la gestion privée des services sociaux par des organisations non lucratives que sera consacrée cette communication. La gestion d’établissements et de services sociaux est en effet la principale activité du tiers secteur en France, qui, grâce à des travaux récents, commence à être connu statistiquement (Archambault et Tchernonog, 1994 ; Archambault, 1995). Nous donnerons ici les principaux résultats...

Share