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Économie communautaire, mobilisation sociale et politiques publiques au Québec (1985-1995) Louis Favreau Introduction Au Québec, les entreprises communautaires et les entreprises d’insertion sociale, les corporations de développement communautaire (CDC) et les corporations de développement économique communautaire (CDEC), de même que les montages financiers communautaires et syndicaux (fonds de développement de capital de risque, fiducies foncières communautaires, etc.), constituent les bases d’une nouvelle économie surtout associative (ou communautaire)1 . Un des défis de cette nouvelle économie associative se situe pour beaucoup sur le terrain politique : se faire reconnaître par les pairs... et par les pouvoirs publics. Cette nouvelle économie associative demeure bien fragile parce que ses initiatives sont encore relativement dispersées, faiblement appuyées par les pouvoirs publics et encore peu soutenues par les puissantes institutions financières coopératives2 dont dispose le Québec. 1. L’expression « associative » est utilisée ici dans le sens d’initiatives économiques alliant l’utilité sociale et le rendement économique en épousant principalement le statut associatif plutôt que celui de l’entreprise coopérative. 2. Qu’il suffise de mentionner que le seul mouvement des caisses populaires Desjardins regroupe 1325 établissements distribués sur l’ensemble du territoire du Québec dans 675 localités. Desjardins forme d’ailleurs l’institution financière la plus importante du Québec avec un actif consolidé de 48,2 milliards de dollars pour l’ensemble de son réseau, plus de 36 000 employés dont 26 000 dans les caisses locales (Lévesque, 1991). 176 Contre l’exclusion : repenser l’économie Les dix dernières années, pendant lesquelles émergent la plupart des projets d’économie de type associatif, c’est encore dans l’expérimentation sociale que se circonscrit principalement sa contribution. Au bilan, encore peu d’entreprises et peu d’emplois. En revanche se font jour de nouveaux réseaux de solidarité socio-économiques, une dynamique de développement local dans de nombreuses collectivités en difficulté, un modèle propulseur et des partenariats inédits. Prenant principalement l’angle d’analyse de disciplines d’intervention (travail social communautaire et études urbaines), nous nous proposons de fournir ici quelques pistes d’évaluation et de mise en perspective de ces initiatives à première vue fort hétérogènes et sans dénominateur commun. Typologie des nouvelles formules d’économie associative (1985-1995) Depuis l’expérience des premières CDEC montréalaises en 1984-19853 jusqu’à aujourd’hui, beaucoup de chemin a été parcouru. Phénomène considéré comme relativement marginal dans les années 1980, l’économie communautaire avec son ensemble d’initiatives dispose maintenant d’une plus grande reconnaissance. Rappelons ici que les initiatives économiques combinant l’utilité sociale et la rentabilité se sont historiquement modelées sur l’entreprise coopérative et, en matière de développement local, sur des expériences de coopératives de développement de régions périphériques comme le JAL dans l’Est du Québec (Lévesque, 1979 ; Deschênes et Roy, 1994). Or, aujourd’hui, l’économie sociale se renouvelle par des initiatives économiques plus associatives que coopératives et par-delà les régions-ressources, dans des grands centres urbains comme Montréal et Québec et dans des régions centrales (Bois-Francs, Outaouais, Estrie, etc.) En réponse à la récession de longue durée du début des années 1980 et à la redéfinition de l’État dans le développement économique et social, une remobilisation de la « société civile » s’est progressivement mise en branle. Du côté du mouvement communautaire, cette mobilisation s’est réalisée par la mise sur pied d’initiatives territorialisées de revitalisation économique et sociale. C’est le cas des comités régionaux de relance de l’emploi et de l’économie (CREE), des corporations de développement économique communautaire (CDEC) et des corporations de développement communautaire (CDC). Du côté des syndicats, ce sont des reprises d’entreprises en difficulté, des innovations sociales au plan de l’organisation du travail et plus globalement un tournant vers ce qu’il est convenu d’appeler la « coopération conflictuelle »4 . Les syndicats s’inscrivent alors dans un cadre partenarial qui les amène à s’engager de façon plus nette dans des structures locales et régionales de développement de caractère public tels les conseils régionaux de d...

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