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MOUVEMENTS SOCIALISTES MARXISME ET QUESTION NATIONALE AU QUÉBEC Louis FAVREAU En premier lieu, il m’apparaît utile d’indiquer l’approche que j’ai choisie pour faire cette réflexion-exploration : plutôt que de réfléchir sur cette question à partir de la lunette de la gauche politique, ma tentative sera davantage d’explorer l’évolution des mouvements sociaux au Québec par rapport au marxisme, au socialisme et à la question nationale. De façon subsidiaire, j’examinerai le travail de la gauche politique à l’intérieur de ces mouvements sociaux, lorsque celle-ci intervient de façon un tant soit peu significative. Par ailleurs, étant donné la nature de ce thème, ma préoccupation sera d’identifier ce qui a été, est ou semble avoir été potentiellement révolutionnaire à différents moments (sur deux décennies en particulier, 1960-1983) et donc susceptible de générer ou d’alimenter la lutte pour le socialisme au Québec. Quelques réserves de départ s’imposent. Tout d’abord, il m’apparaît fort important de ne pas perdre de vue le fait que pendant plusieurs décennies, exception faite de groupes relativement restreints, il n’a pas été débattu du socialisme dans la presque totalité du mouvement ouvrier et populaire québécois. Ce n’est qu’à la fin des années 1960, début des années 1970 (1968-1973 pour être plus précis) que le débat est introduit à la faveur d’un certain nombre d’événements sociaux et nationaux. Il faut pratiquement remonter aux années 1930 pour avoir une période comparable à certains égards. Autre fait lié au premier : le mouvement socialiste au Québec, depuis 1960 jusqu’à aujourd’hui, est un mouvement diffus, rarement organisé, plutôt discontinu et qui a très rarement détenu le leadership des luttes sociales, culturelles ou politiques qui ont été menées au cours des années 1960 et 1970. Marxisme et socialisme au Québec ont très peu de tradition, d’ancrage, de racines, peu importe à quel marxisme ou à quel socialisme on se réfère... 282 UN SIÈCLE DE MARXISME MOUVEMENTS SOCIALISTES, MARXISME ET QUESTION NATIONALE AU QUEBEC L’après-guerre : quand le national est coupé du social et le social du national D’entrée de jeu, on peut affirmer que, règle générale, la question québécoise fut abordée avec hésitation et suspicion par les courants les plus socialistes du mouvement ouvrier. La question nationale était associée au conservatisme, à l’Église catholique, au régime Duplessis et, à l’intérieur du mouvement ouvrier, au syndicalisme corporatiste de la CTCC. C’est là chose connue. Moins connues et surtout moins admises sont les faiblesses même de ces courants par rapport à la question nationale : ni les organisations social-démocrates (la CCF puis le NPD), ni les organisations staliniennes (Parti communiste canadien) ne reconnaissaient l’existence d’une nation québécoise opprimée. Si cette oppression fut parfois reconnue, ce ne fut jamais pour affirmer que le mouvement ouvrier devait prendre la direction de la lutte nationale. Le plus loin que l’on soit allé : le droit à l’autodétermination du Québec. Paradoxalement, des organisations politiques qui se proclamaient souvent à l’avant-garde sur toute question sociale étaient théoriquement et pratiquement dans le wagon arrière du train sur la question nationale. Bref, la question nationale était plutôt perçue comme un obstacle à l’unité ouvrière et au développement d’une conscience de classe dans la lutte contre le capitalisme : il y a là une part de l’explication à savoir que le socialisme ne percera pratiquement pas au Québec, sauf chez les travailleurs immigrés. Pendant cette période, le mouvement socialiste, et tout particulièrement sa tendance communiste, est attaqué fortement par les classes dominantes : duplessisme au Québec et macarthisme dans l’ensemble de l’Amérique du Nord. Il est aussi miné de l’intérieur. Il est bloqué sur la question nationale qu’il ne comprend pas et par le marxisme dominant qui est à son apogée d’inepties et de dogmes, hérités du stalinisme. Simultanément, la plupart des mouvements sociaux liés de près ou de loin aux classes populaires demeurent sous l’emprise du clergé et de l’Union nationale. Quelques événements marqueront toutefois certaines de ces organisations, notamment...

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