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La naissance Issu d’une union génitale (pénis-vagin) et d’une fusion gamétique (spermatozoïde-ovule), maintenu pendant neuf mois dans un lien organique binaire, le nouvel être est soudainement « défusionné » : son corps est détaché de celui de sa mère et expulsé dans le monde extérieur. Avec la naissance disparaît cet état de félicité et d’extrême passivité où même l’effort de respirer est inconnu. Toute sa vie, et particulièrement dans ses moments de détresse, le nouvel être cherchera, à travers ses fantasmes et certaines conduites symboliques, à retrouver cette existence intra-utérine ; il tentera, dans ses délires apprivoisés ou incontrôlés, de se replonger dans cet état « fusionnel » primitif1 . Mais, en même temps, il redoutera une telle régression, de peur de perdre son individualité et de ne jamais renaître. Cette attitude ambivalente constitue la base de ce que j’appelle le complexe fusionnel. 1. Cette hypothèse a déjà été défendue par Ferenczi (1932) : « ... l’homme, dès l’instant de sa naissance, cherche perpétuellement à rétablir la situation qu’il occupait dans le sein maternel et s’accroche à ce désir de manière inébranlable, magique et hallucinatoire, au moyen d’hallucinations positives et négatives... dans le sommeil et les rêves, dans notre vie sexuelle et dans nos productions fantasmatiques, nous nous efforçons jusqu’au bout à réaliser ce désir archaïque » (p. 47). CHAPITRE 2 La première enfance Le nouveau-né est-il conscient de cette défusion primaire ? L’existence d’une « conscience psychique » semble exclue. Toutefois, on peut supposer l’existence d’une sorte de conscience corporelle élémentaire susceptible d’être incorporée ultérieurement au plan psychique. L’organisme du nouveau-né serait ainsi saisi de la séparation d’avec la mère ; par le biais d’une perception viscérale ou même tissulaire, l’expérience de la rupture serait organiquement enregistrée. On pourrait parler d’une mémoire somatique susceptible d’être récupérée après coup par le système mental. Évidemment, cela est difficile à vérifier. Même les techniques modernes les plus sophistiquées ne peuvent confirmer l’existence d’une telle mémoire somatique. Le fait que certaines personnes se disent capables, dans un état de conscience altérée, de revivre leur naissance (« rebirth ») ne constitue pas non plus une preuve très solide. Il est possible que ces renaissances ne soient que des illusions, des pseudo-reconstructions de la réalité historique. Ce phénomène, qui relève actuellement davantage de la parapsychologie, mériterait néanmoins d’être étudié de plus près. On a beaucoup parlé du traumatisme de la naissance. Rank (1924) a été l’un des plus ardents défenseurs de cette thèse. Il émit l’hypothèse (qui prenait dans ses écrits davantage l’allure d’un postulat) que la naissance constitue le traumatisme fondamental et est un facteur déterminant dans le développement psychique de l’être humain. Cette question a soulevé récemment une grande controverse. Certains en ont profité pour faire la critique des méthodes actuelles d’acouchement, ainsi que du caractère déshumanisant d’une certaine médecine moderne. Afin d’éviter, ou à tout le moins de réduire le soi-disant traumatisme de la naissance, on préconise des « techniques douces » envers le nouveaun é ; par exemple, on suggère d’éclairer faiblement la salle d’accouchement, de poser le nouveau-né sur le ventre de la mère, etc. Il est difficile de vérifier l’existence de l’angoisse de la naissance. Le nouveau-né ne peut communiquer clairement ce qu’il ressent, et les signes extérieurs peuvent être trompeurs. Spitz (1965), après avoir étudié attentivement les réactions de plusieurs nouveau-nés, mit sérieusement en doute le caractère traumatique de la naissance : Dans le cas des enfants nés normalement — la grande majorité, seul un pour cent ne l’étant pas — leur réaction à la naissance est extrêmement passagère puisqu’elle ne dure que quelques secondes, et est loin d’être violente. Aussitôt après la naissance, le nourrisson éprouve de brèves difficultés respiratoires et fait preuve d’une 26 PROTOFÉMINITÉ ET DÉVELOPPEMENT SEXUEL [3.145.206.169] Project MUSE (2024-04...

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