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Les mouvements de structuration et de déstructuration de l’espace rural de l’Est du Québec, sous l’impact du mouvement même des activités productives agricoles, ne sont pas entièrement indépendants des interventions des pouvoirs publics. Pour comprendre les transformations de l’agriculture régionale, il est utile de considérer l’évolution même de la politique agricole. Jusqu’à une époque récente, une telle étude n’était guère possible car il était difficile de déceler un modèle de développement agricole dans le cas des régions périphériques, modèle qui aurait correspondu à une stratégie de développement rural cohérente et consciente de la part de l’État. Le développement des activités agricoles y apparaît davantage lié à une conjoncture socio-économique qui dépasse le cadre régional. L’agriculture régionale joue alors le rôle de réservoir ou de repoussoir d’une population qui ne peut être intégrée aux rapports de production du système économique dominant, ou encore, elle assure une partie importante des coûts de reproduction d’une main-d’œuvre à demi intégrée dans ces rapports de production en tant que travailleurs semiprol étarisés. La politique de développement agricole d’avant les années 1960, pour autant qu’on puisse l’identifier, se partage entre deux ministères différents, celui de l’agriculture et celui de la colonisation. Dans la mesure où la région connaît d’importants mouvements de colonisation, ce dernier ministère est relativement actif durant la période de structuration de l’espace rural. Il facilite l’installation des colons par des prestations diverses. Sa philosophie demeure l’installation de familles dans une agriculture en relative autarcie, peu intégrée aux échanges marchands. De cette manière, la population occupera le territoire, objectif géopolitique important pour tout État, et ne constituera pas une charge pour les CHAPITRE III La politique de développement agricole en région périphérique 102 AGRICULTURE ET DÉVELOPPEMENT RURAL pouvoirs publics. Avec l’évolution de la situation sociale du Québec, l’organisation ministérielle changera. D’abord intégrée au ministère de l’Agriculture, la Colonisation disparaît par la suite comme entité administrative. Et récemment, le ministère est devenu le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec. Peu de chercheurs se sont intéressés à analyser la politique agricole du gouvernement québécois. Il est même difficile de parler d’une politique agricole cohérente car l’essentiel des efforts consiste dans l’octroi de subventions de toutes sortes aux agriculteurs. L’analyse des effets de ces mesures d’assistance très variées est alors limitée. D’après le politicologue André BLAIS34 , l’aide gouvernementale, selon sa nature, profite à certaines régions plutôt qu’à d’autres. Dans l’ensemble, la fraction du budget total consacrée à l’agriculture diminue moins vite que la population agricole. Même si les régions centrales en reçoivent une importante part, on ne pourrait pas en conclure que les régions périphériques ne reçoivent rien car plusieurs mesures d’assistance visent plus particulièrement ces régions. Au cours des années soixante, la politique agricole gouvernementale se précise en favorisant le développement des régions centrales ; bien que timides, certaines orientations se dessinent35 . Déjà à l’époque de l’élaboration du plan de développement de l’Est du Québec, on constate cette absence d’une véritable politique agricole avec des objectifs clairement définis ; le célèbre agronome français, René DUMONT, le remarqua lors de son passage dans la région en 1966 :« Les mesures d’assistance à l’agriculture se multiplient au Québec et au Canada. Ce mot d’assistance suffit à souligner une politique archaïque, qu’il importe de dépasser très vite, pour parler enfin d’équipement moderne, d’investissement productif, d’entreprise viable ; en se plaçant résolument au point de vue de l’économique. D’autant plus que les mesures actuelles ne sont pas assorties de conditions d’efficacité, d’effort en retour de la part du cultivateur. La subvention pour les engrais reste la même pour toute la province... il ne s’agit plus de sauvegarder à toute force...

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