Économie du Québec et choix politiques

Les éléments de base d'un scénario tendanciel du système socio-économique québécois

LES ÉLÉMENTS DE BASE D’UN SCENARIO TENDANCIEL DU SYSTÈME SOCIO-ÉCONOMIQUE QUÉBÉCOIS Pierre Fréchette 1. Introduction Le besoin de jeter un regard prospectif sur la société québécoise découle de la prise de conscience que les décisions individuelles et collectives qui sont prises aujourd’hui porteront à conséquence au cours des prochaines décennies. Le fait de s’interroger sur l’avenir nous oblige également à mieux comprendre le présent et permet d’identifier la marge de manœuvre de la société, si celle-ci désirait modifier ses objectifs. Nous pouvons définir la prospective, à l’instar de la DATAR, comme étant une méthode d’investigation du futur par l’analyse des mécanismes de fonctionnement d’une société et des processus d’évolution qui sont inhérents à ces mécanismes1 . Cette démarche comprend trois étapes : la détermination de la « base » du système socio- économique, la projection d’avenirs « logiques » et l’étude d’avenirs « souhaitables ». La première étape vise à comprendre le présent suivant deux volets principaux. Tout d’abord, par la détermination des « éléments structurants » du système socio-économique, c’est-à-dire la détermination des principales variables qui composent les mécanismes de fonctionnement du système. Ensuite, par l’identification des « faits prospectifs du présent », c’est-à-dire l’identification des tendances, des déséquilibres et tensions et des faits porteurs d’avenir. Une « tendance » représente des faits, des données, dont l’évolution future peut être extrapolée avec un faible risque d’erreur compte tenu de la nature et de l’évolution passée de la variable. Les tendances peuvent mener à l’apparition de « déséquilibres et tensions » qui constituent essentiellement des mécanismes sociaux d’adaptation par lesquels une société s’ajuste à des situations nouvelles. Enfin, les « faits porteurs d’avenir » ou les « germes de changement » sont des faits actuellement de faible importance mais dont on peut raisonnablement prévoir qu’ils exerceront une influence déterminante sur l’évolution ultérieure du système. L’objectif de ce texte est de présenter les tendances, déséquilibres et tensions, et faits porteurs d’avenir qui ont été dégagés au cours de l’étude « Prospective socio- économique du Québec2». Ces faits prospectifs du présent sont importants, car ils constituent la toile de fond de toute réflexion sur l’avenir du Québec. C’est fort probablement autour des 17 éléments rassemblés au tableau I que va se construire le Québec des vingt prochaines années. Autrement dit, l’image du Québec qui s’en dégage est, dans une large mesure, un scénario tendanciel en soi. La toile de fond a été divisée en deux parties. Tout d’abord, en tant que société ouverte sur la communauté internationale, le Québec est fortement influencé par l’évolution des événements dans le reste du monde. En plus d’être influencé, le Québec partage avec les autres sociétés industrialisées un grand nombre de tendances, déséquilibres et tensions et faits porteurs d’avenir. Par ailleurs, un certain nombre de faits prospectifs du présent peuvent être considérés comme plus spécifiquement québécois. En conclusion, quelques lignes de force sont identifiées qui sont particulièrement importantes pour la situation actuelle du Québec. 490 économie du Québec et choix politiques 492 économie du Québec et choix politiques 2. Les faits prospectifs du présent que le Québec partage avec les pays industrialisés3 2.1 Les tendances lourdes 1) Post-industrialisation La première tendance lourde, et la plus significative, est celle de la postindustrialisation du Québec. Ce phénomène existe depuis le début des années 1960 et devrait continuer à se faire sentir. Les principales caractéristiques que le Québec partage avec les autres pays post-industrialisés sont les suivantes. a. Urbanisation croissante Le taux d’urbanisation du Québec est passé de 61,2 % en 1941 à 80,6 % en 1971. De plus, cette population est concentrée au sein de quelques grandes agglomérations, surtout Québec et Montréal, dont la population est passée de 41,8 % de celle du Québec...