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En raison de leurs deux principales missions, l’enseignement et la recherche, les universités chevauchent des domaines le plus souvent administrés par des ministères différents. Ainsi, au Québec, la politique des universités émane du ministère de l’Éducation alors que la politique de la recherche relève plutôt du ministère de la Recherche, de la Science et de la Technologie (MRST). Bien sûr, comme ce fut d’ailleurs le cas entre 1986 et 1993, un ministère de l’Enseignement supérieur et de la Science pourrait être en position de définir une politique des universités donnant une place égale à leurs deux missions traditionnelles. Quoi qu’il en soit, suivre l’évolution des politiques de la recherche universitaire oblige à s’attarder en fait aux politiques de la recherche et de l’innovation mises de l’avant au cours des 30 dernières années. Comme l’université est un acteur central de la production scientifique, il était inévitable que même les politiques les plus axées sur l’innovation et l’entreprise affectent directement la recherche universitaire. Après un bref rappel des origines de la recherche dans les universités québécoises, nous analyserons les divers énoncés de politique scientifique qui se sont succédés depuis le début des années 1960, sur la scène tant provinciale que fédérale. Nous porterons une attention particulière au degré d’autonomie de la recherche universitaire par rapport aux demandes externes émanant des champs politique et économique. On verra que si la période 1945-1970 correspond bien à l’idée d’une« république de la science » maître de ses choix, la décennie 1970 voit émerger des discours et des politiques gouvernementales plus interventionnistes qui demandent aux scientifiques de tenir compte des besoins 70 L’État québécois et les universités économiques et sociaux dans le choix des priorités de recherche. Ce n’est toutefois qu’au cours des années 1980 et 1990 que les gouvernements expérimentent divers mécanismes de soutien de la recherche qui s’avéreront de plus en plus efficaces pour orienter les chercheurs dans la direction des besoins économiques et sociaux perçus par les dirigeants comme étant prioritaires. Après de multiples tentatives aux effets relativement limités, les gouvernements semblent en effet avoir trouvé, au cours des 10 dernières années, des mécanismes d’orientation de la recherche plus efficaces et qui font une place importante à des critères de choix jusque-là étrangers aux préoccupations des chercheurs. Encore peu habitués à devoir répondre rapidement aux demandes générées, sinon dictées, par les transformations sociales et économiques, certains chercheurs réagissent mal à cette nouvelle forme de contrôle pendant que d’autres, au contraire, profitent de l’occasion pour accroître leurs fonds de recherche. En s’affinant au fil des ans, les mécanismes d’intervention gouvernementale auront ainsi réussi à réduire l’autonomie de la recherche universitaire. Curieusement, cependant , la nouvelle réalité profite à certains alors qu’elle constitue une perte réelle pour d’autres. 1. ORIGINE ET AUTONOMIE DE LA RECHERCHE UNIVERSITAIRE Dans les universités québécoises comme dans les universités ailleurs dans le monde, le processus de développement de la recherche est intimement lié à la formation des disciplines scientifiques (Gingras, 1991). À la fin du xix siècle à McGill et au cours des années 1920 et 1930 dans les universités francophones (Duchesne, 1978 ; Chartrand, Duchesne et Gingras, 1987), de jeunes chercheurs formés à l’étranger vont travailler à modifier les structures de leur université de manière à garantir la nouvelle pratique de recherche qu’ils viennent d’importer de l’étranger. Au cours de cette phase d’institutionnalisation de la recherche, ils vont se donner les moyens de développer leurs activités de recherche et leur communauté de chercheurs. Ils mettent sur pied, sur une base disciplinaire, des départements , des programmes de doctorat, des bourses d’études supérieures. L’engagement et la promotion des professeurs se fera de plus en plus sur la base de leur contribution au développement des connaissances dans leur discipline. Dans cette nouvelle université dite moderne qui associe intimement enseignement et recherche, l’activité scientifique possède un degré d’autonomie relativement élevé puisque les connaissances requises pour participer à la discipline...

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