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CHAPITRE XI LE JUDO POLITIQUE DES CITOYENS Nécessaire, souhaitable et « demandée d’urgence », une politique de recyclage et de prévention à la source n’est pas suffisante à elle seule pour vaincre la pollution. La solution à la pollution n’est pas seulement économique et technique, elle est aussi politique. C’est-à-dire qu’elle requiert la volonté collective d’une société toute entière, articulée à travers des mesures concrètes et portée par un pouvoir politique représentatif. Au Québec comme ailleurs au Canada, de timides efforts font jour depuis quelques années pour mieux susciter un consensus social autour de ces questions. Il est clair toutefois qu’il faut aller plus loin si on veut réussir à extirper la pollution par la racine comme on arracherait une mauvaise herbe. Tout d’abord, c’est le rôle des simples citoyens dans la lutte à la pollution qu’il faut redéfinir. Analysant en 1977 la législation canadienne à l’exposition à six substances contaminantes, une étude pour le compte du Conseil des sciences du Canada constatait l’existence d’un fouillis indescriptible dans la loi. Elle remarquait 224 UN PARADIS DE LA POLLUTION aussi qu’il n’existait aucune mesure explicite de participation du public, pas même l’obligation d’une publication préalable des règlementsl . Ce jugement trouvait écho dans les travaux de la Canadian Environmental Law Association (C.E.L.A.), une association nationale fondée par des juristes et des scientifiques en 1970, et dans un livre récent que le journaliste torontois Ross Howard publiait en collaboration avec la C.E.L.A. « Le système canadien, écrit Howard, est, à quelques exceptions près, conçu pour exclure les citoyens de toute participation significative. Les procédés d’exclusion vont du refus à l’accès à l’information jusqu’à l’utilisation et l’abus du pouvoir ministériel discrétionnaire , en passant par les très simples mais bien réels obstacles financiers. Notre système de protection de la santé et de l’environnement se développe dans la direction inverse de celle prise aux États-Unis, où les lois d’accès à l’information, la participation obligatoire du public, le financement des groupes et la définition claire des responsabilités des gouvernements sont devenus la norme plutôt que l’exception. »2 Ce jugement peut paraître sévère, il n’en est pas moins justifié. Malgré quelques améliorations notoires qui sont intervenues depuis que Howard a écrit ces lignes en 1979, la situation reste inchangée au Canada. Et on peut même ajouter que la position du citoyen québécois dans ce débat est probablement encore moins enviable que celle de son compatriote d’autres provinces. Peu habitué à se battre devant les tribunaux ou les organismes gouvernementaux, et surtout disposant de peu de droits jusqu’à une période très récente (voir chapitre six), le citoyen du Québec soucieux d’environnement est désemparé et impuissant face aux abus de la pollution. 1. Robert Franson, Alastair Lucas, Lorne Giroux et Patrick Kenniff, La législation canadienne et la réduction de l’exposition aux contaminants, Étude n° 39 pour le Conseil des sciences du Canada, 1977, p. 66. 2. Ross Howard, Poisons in Public, James Lorimer and Co., Toronto, 1980, p. 131. [18.223.106.114] Project MUSE (2024-04-26 05:15 GMT) LE JUDO POLITIQUE DES CITOYENS 225 Accéder à l’information L’accès à l’information est le premier handicap que ce citoyen doit franchir pour se défendre. De ce côté, heureusement, les bonnes nouvelles sont nombreuses depuis quelque temps. Alors qu’il y a quelques années, il n’existait aucun mécanisme garantissant au citoyen le droit à l’information que le gouvernement détient sur les sources de pollution et sur tous les travaux ou actions susceptibles d’affecter la qualité de l’environnement, il semble bien que ces mécanismes seront en place d’ici quelques années au plus tard, tant au niveau fédéral que provincial. Le projet de loi C-43 du gouvernement fédéral établit très clairement le principe de la liberté d’accès à l’information détenue par ce gouvernement et colligée aux frais du contribuable. Tous les documents détenus par ces autorités, à l’exception de certains cas précis relevant du secret d’État, du secret commercial ou...

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