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C H A P I T R E 3 Le conservatisme chez les minorités raciales et sexuelles Une percée inéluctable? Greg Robinson 42 – Le conservatisme américain Depuis l’administration de Ronald Reagan, le conservatisme a acquis un poids important, sinon dominant, dans la politique et la société américaines. Cette influence s’est manifestée de façon différente, parfois contradictoire, pour différents groupes de la population. L’impact de la pensée conservatrice sur deux communautés minoritaires, les Noirs et les gais et lesbiennes, est à ce titre particulièrement révélateur. Ces deux groupes sont restés pour leur plus grande part en dehors de la coalition électorale de la droite conservatrice, et leurs militants se plaignent d’être la tête de Turc des républicains qui jugent politiquement«payant» de véhiculer des préjugés à leur encontre. L’actuelle conjoncture conservatrice de la politique nationale a ainsi transformé de façon durable les deux mouvements en ce qui concerne leurs revendications et leurs stratégies politiques. 1. LES AFRO-AMÉRICAINS ET LE CONSERVATISME: D’UNE FRACTURE PROFONDE À UNE ENTENTE CONJONCTURELLE? En ce qui concerne les Noirs américains, le conservatisme à proprement parler reste un mouvement de petite envergure, qui n’attire qu’un petit cercle d’intellectuels et de politiciens. Depuis les années 1970, des penseurs de la communauté afro-américaine, comme le journaliste William Raspberry, l’essayiste Shelby Steele, l’économiste Thomas Sowell, ou encore le professeur de droit Stephen Carter, se sont inspirés de l’idéologie conservatrice, en particulier pour rejeter des initiatives comme la discrimination positive (Affirmative Action) en faveur des Noirs. Ils jugent en effet les préférences raciales nuisibles à l’avancement des Noirs qualifiés et à la création d’une société antiraciste. En 1995-1996, un homme d’affaires noir, Ward Connerly, a chapeauté en tant que régent de l’Université de Californie le mouvement contre la politique de préférences raciales dans l’admission à ses facultés. Il a milité par la suite en faveur de l’abolition de tout programme de discrimination positive dans l’État de Californie, abolition qui a eu lieu en 1996. 1.1. Le fossé entre la communauté noire et le mouvement conservateur Cependant, le conservatisme n’a pas séduit les masses noires, et même des intellectuels afro-américains souvent associés au mouvement conservateur , comme le critique Stanley Crouch et l’économiste Glenn Loury, ont refusé d’être ainsi libellés. Certes, en politique électorale, les Noirs sont restés fidèles au libéralisme, et ils sont un pilier de la coalition démocrate depuis l’ère du New Deal. Avec l’adhésion massive de sudistes blancs au Parti républicain à la suite du mouvement des droits civiques, et leur prise de pouvoir derrière des barons conservateurs [18.188.152.162] Project MUSE (2024-04-25 17:32 GMT) Le conservatisme chez les minorités raciales et sexuelles – 43 comme Newt Gingrich, Bill Frist et Tom DeLay, les Noirs sont devenus non seulement le bloc démocrate le plus imposant dans le sud américain (les anciens États esclavagistes qui sont toujours la résidence de la majorité des Afro-Américains), mais dans certains États quasiment le seul. George W. Bush n’a reçu que 9% des voix des Noirs à l’échelle nationale en 2000, et même en tant que président sortant, Bush a réussi à s’attirer le soutien de seulement 11% des Noirs en 2004. Il n’est pas uniquement question d’un refus des Noirs de faire confiance aux chefs blancs du Parti républicain. Pour diverses raisons, les Afro-Américains résistent également aux appels des Noirs conservateurs , et les seuls députés républicains noirs des derniers temps, Gary Franks du Connecticut et J.C. Watts de l’Oklahoma, furent élus par des circonscriptions blanches. En 2004, lorsque l’éditorialiste Alan Keyes faisait campagne pour le Sénat en Illinois contre le démocrate noir Barack Obama, Obama recevait plus de 90% des votes des Noirs (contre 66% des votes des Blancs). En 2006, dénommée «l’année du républicain noir» par Kenneth Mehlman, chef du Republican National Committee, aucun des trois candidats à des postes majeurs – Lynn Swann en Pennsylvanie et J. Kenneth Blackwell en Ohio pour les postes de gouverneur et Michael Steele du...

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