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C H A P I T R E 9 Des États-Unis conservateurs peuvent-ils dialoguer avec une Europe«progressiste»? L’avenir des relations transatlantiques Barthélémy Courmont 140 – Le conservatisme américain Les divergences qui opposèrent Washington et plusieurs États européens à l’occasion de la crise irakienne, notamment au regard du droit international et de la légitimité d’une opération militaire1, ont souvent été analysées comme une véritable rupture entre les Alliés. Le régime de Saddam Hussein renversé, ces divergences ont continué de se cristalliser , Washington annonçant de lourdes sanctions contre la France, les chefs d’État de Belgique, France, Luxembourg et Allemagne choisissant pour leur part de se rencontrer à Bruxelles le 28 avril 2003 pour étudier des orientations possibles en matière de politique de défense et de sécurité commune. Les désaccords dépassèrent rapidement la crise, pour prendre une forme idéologique. Sous l’influence des néoconservateurs, «une certaine idée des États-Unis», s’imposa dans les cercles du pouvoir, avec comme fondements une redéfinition des systèmes d’alliance, auxquels étaient préférées les coalitions de circonstance, un nouveau traitement des adversaires de Washington (autour du principe des frappes préventives) et un messianisme qui venait se substituer aux tentations hégémoniques (mais bienveillantes) du géant américain depuis la fin de la Guerre froide. De «nation indispensable» des années Clinton, la première puissance mondiale devenait la «nation incontournable», pouvant imposer ses vues à ses partenaires autant qu’à ses ennemis. Les conservateurs, représentés au plus haut niveau de l’administration Bush par Dick Cheney et Donald Rumsfeld, y virent l’occasion de recomposer les relations transatlantiques, autour d’un réalisme musclé, reposant sur de nouveaux partenaires, «la nouvelle Europe», selon les propos de Donald Rumsfeld, et isolant par la même occasion les alliés traditionnels («la vieille Europe»). Conservateurs et néoconservateurs célébraient même leur alliance (de circonstance), Robert Kagan répondant à la vision manichéenne du chef du Pentagone en qualifiant les Européens de vénusiens, tandis que les Américains seraient de Mars2. Depuis la réélection de George W. Bush, le ton a cependant changé entre les alliés transatlantiques, Washington se montrant plus à l’écoute de ses partenaires, et les Européens se montrant moins catégoriques. Mais derrière cette évolution louable subsistent les éléments qui expliqu èrent la rupture de 2003, et pourraient à l’avenir provoquer une nouvelle crise transatlantique, avec en toile de fond les difficultés à définir la place de l’OTAN et, plus encore, de la Politique européenne de sécurité et de défense (PESD) dans la sécurité transatlantique. Derri ère l’optimisme de la reprise du dialogue entre les Alliés se cacheraient 1. Rappelons à ce titre que l’opinion publique internationale, et en particulier europ éenne, s’est majoritairement mobilisée contre l’utilisation de la force, notamment à l’occasion de nombreux rassemblements populaires le 15 février 2003. 2. Robert Kagan (2003). La puissance et la faiblesse, Paris, Plon. [3.141.8.247] Project MUSE (2024-04-26 06:48 GMT) Des États-Unis conservateurs peuvent-ils dialoguer…? – 141 ainsi de profondes divergences sur les questions stratégiques, opposant une Amérique conservatrice (et occasionnellement néoconservatrice) et une Europe plus progressiste et normative. 1. L’ADMINISTRATION BUSH II ET L’EUROPE Le second mandat de George W. Bush semble prendre une nouvelle tournure dans la relation avec les partenaires européens. D’ailleurs, le président américain a déclaré 2005 année du partenariat transatlantique après s’être rendu sur le vieux continent en visite officielle à Bruxelles en février 2005, quelques jours seulement après avoir prêté serment. Les visites de Condoleezza Rice en Europe, à Paris en février puis à Berlin et à l’OTAN en novembre 2005, ont confirmé le désir de Washington de se rapprocher de ses alliés. Comment expliquer ce revirement, et quelle peut être sa portée? Comprenant l’importance d’un rapprochement, afin sans doute d’éviter de faciliter l’émergence à terme d’une Europe-puissance comme contrepouvoir de Washington, George W. Bush se montra plus coopératif dès 2004, et des rencontres comme celles du G8 à Sea Island ou du soixanti ème anniversaire du débarquement sur les côtes normandes officialis èrent une reprise...

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