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CHAPITRE 9 Des organismes de « troisième type » naîtront-ils de la privatisation ? Nicole Dupré Je relaterai la mise en place d’un organisme sans but lucratif (OSBL), Cojaide, desservant des personnes handicapées physiques habitant le Montréal métropolitain et recevant l’allocation directe comme mode de gestion de leurs services d’aide à domicile. L’expérience décrite ici permettra peut-être de jeter quelques balises pour réfléchir à la forme d’autres organismes de même type (organismes d’un « troisième type », ni publics ni tout à fait privés) dans la perspective de privatisation croissante du secteur des services de maintien à domicile. Mais, avant de poser les axes de développement d’organismes voués à la gestion de services, il faut voir la formule de l’allocation directe comme solution de rechange à d’autres modalités de distribution de services, et il est fort important qu’elle soit présentée comme telle aux personnes en besoin. L’allocation directe, assortie d’un tarif horaire décent et répondant aux besoins bio-psychosociaux d’une personne, encourage sa responsabilisation et le développement de son autonomie. Au quotidien, la relation aidant-aidé qui respecte l’individualité de chacun peut permettre de briser l’isolement et de recréer un tissu social. Le succès d’une entreprise comme Cojaide dépend a priori du choix éclairé des usagers et de toutes ces conditions. LE CONTEXTE DE L’ALLOCATION DIRECTE... Il faut d’abord remonter dans le temps pour comprendre les raisons de l’implantation de cet OSBL. En 1984, le territoire Montréal-Laval est le seul au Québec à faire l’objet d’un moratoire sur l’allocation directe. Les personnes handicapées desservies pour plus de cinq heures le sont en majorité par des agences privées à but lucratif travaillant pour les CLSC. Beaucoup de ces personnes en sont insatisfaites et voient l’allocation directe comme une solution intéressante. Sous la pression d’organismes de promotion, le Conseil de la santé et des services sociaux de Montréal lève finalement le moratoire à l’été de 1991. À titre expérimental pour un an, le nombre d’autogestionnaires double et un tarif horaire de 9,45 $ leur est versé. Ces derniers sont toutefois tenus de respecter le principe « bénéficiaire-employeur ». Au même moment, le ministère de la Santé et des Services sociaux verse une subvention non récurrente d’un an à un organisme de promotion des personnes handicapées physiques de la région, pour outiller les nouveaux employeurs. L’organisme, qui m’engage à titre d’organisatrice communautaire, offre deux services : une banque d’auxiliaires et une formation comptable. ÉLÉMENT INCITATIF DE CRÉATION DE L’OSBL Après quelques semaines de mise en application de la formule d’allocation directe et de nos services, force nous est de reconnaître que la situation présente des lacunes. Même si l’auxiliaire bénéficie d’un tarif plus avantageux qu’en agence privée, ce qui constitue l’assurance d’un roulement plus bas d’effectif et d’une meilleure qualité de services, il est nettement désavantagé par certaines lois régissant sa situation. 120 Nicole DUPRÉ [3.139.238.76] Project MUSE (2024-04-26 08:21 GMT) Non défini comme travailleur par la CSST, il n’est, de ce fait, aucunement protégé en cas d’accident (ce qui est non souhaitable avec entre autres risques celui de blessure au dos). Au cours d’une même semaine, il ne peut cumuler les heures d’un employeur à l’autre, déclarer un salaire suffisant pour se prévaloir de l’assurance-chômage le cas échéant et payer de l’impôt par tranches hebdomadaires plutôt qu’annuellement, s’il gagne davantage que la déduction personnelle de base. Bref, la fin du travail au noir ne change pas le statut précaire de l’auxiliaire. L’autogestionnaire, placé devant sa responsabilité d’employeur, doit faire l’apprentissage de diverses opérations comptables, parfois sources d’anxiété, tout en étant conscient des lacunes de la formule pour l’auxiliaire. Ce sont donc les lacunes de la relation employeur-employé et le fait de vouloir qu’une tierce entité devienne légalement employeur de l’auxiliaire et change en quelque sorte le statut de celui-ci qui poussent l’organisme à mettre sur pied un OSBL, au printemps...

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