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CHAPITRE 6 Une approche par clientèle ou une approche par milieu ? René Lachapelle Sur le terrain de la pratique certaines questions vont plus vite ou se posent de façon moins nuancée que sur celui de la recherche. C’est au quotidien dans nos CLSC que nous faisons face à la question d’une approche par clientèle ou d’une approche par milieu. Il m’a semblé qu’une bonne façon de l’explorer serait de partir d’un exemple. UNE ILLUSTRATION PRATIQUE La mise en place d’un programme de type OLO (œuf-lait-orange) dans un CLSC de la Montérégie illustre bien les enjeux d’une approche par clientèle versus une approche par milieu. Sans faire toute son histoire, il convient de préciser d’entrée de jeu que l’équipe Petite Enfance a été constituée par l’intégration du personnel déplacé du DSC à un CLSC de la dernière cuvée (1985) mis en place sans ajout de ressources. Cette équipe avait à son actif un certain nombre d’acquis : niveau record de vaccination de la population, visites post- natales systématiques, etc. Elle avait aussi un passif : séparation complète du pré et du postnatal, nombre élevé de temps partiels, etc. En 1990, dans le contexte d’un nouveau plan d’organisation prévoyant l’intégration du pré et du postnatal et devant l’insistance de certaines intervenantes en prénatal, un comité est créé pour élaborer une programmation de type OLO : une infirmière, un médecin et une organisatrice communautaire consacrent une année à l’étude de la clientèle cible, les femmes enceintes de milieu défavorisé. Elles décident d’entreprendre une enquête auprès de ces femmes pour connaître leurs besoins tout en se documentant sur les programmes offrant un supplément alimentaire. Pour réaliser l’enquête, elles obtiennent la collaboration d’un organisme communautaire préoccupé par la problématique des bébés de petit poids, mais qui n’arrive pas à rejoindre la clientèle en cause. Installées dans les locaux du groupe, elles attendent sans succès les appels ou les visites des femmes qu’elles souhaitent rejoindre. Finalement, elles obtiennent des contacts par l’intermédiaire de références venant du CLSC. Leur rapport démontre qu’il existe un besoin sans arriver à le chiffrer ; quant à leur échantillon, il est trop petit pour offrir des garanties de fiabilité. En bref, un investissement considérable pour un résultat... prévisible, puisque les visites post-natales dans certaines paroisses urbaines ont permis à certaines infirmières de l’équipe de bien connaître la problématique. Le comité est aussi aux prises avec une lacune très sérieuse à la coordination de l’équipe Petite Enfance, au point où le CLSC doit engager un consultant pour établir une programmation – une démarche qui n’a donné aucun résultat. Cette situation explique en bonne partie la lenteur de mise en place du nouveau programme. Finalement, au cours de la seconde année de travail, le comité élabore d’un projet offrant un supplément alimentaire destiné moins à diminuer les naissances de petit poids qu’à permettre une présence efficace du CLSC dans les milieux défavorisés du territoire. Toutes les intervenantes de Petite Enfance conviennent en effet qu’elles rencontrent deux sortes de clientes : − les femmes qui viennent des paroisses périphériques : elles se préoccupent de donner le meilleur à leur enfant, participent aux rencontres prénatales, sont ouvertes aux conseils lors des visites postnatales, suivent le programme de vaccination, etc. ; − les femmes des vieilles paroisses urbaines : elles ne manifestent pas le même intérêt pour la santé de leur enfant, sont aux prises avec des problèmes familiaux multiples, participent peu ou pas aux cours prénataux, sollicitent à répétition les intervenantes à la suite des visites postnatales, etc. 88 René LACHAPEI.LE [3.21.106.69] Project MUSE (2024-04-26 09:12 GMT) Est-il nécessaire de préciser que les infirmières préfèrent travailler avec les mères qui collaborent le mieux à leur intervention ? qu’elles considèrent qu’il est très lourd d’aider une personne à problèmes multiples (insalubrité du logement, faible revenu, malnutrition, « shylocking », violence) ? que celles dont le territoire d’intervention compte plus de cas lourds vivent des surcharges de travail ? L’approche par clientèle...

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